A propos de la candidature antilibérale
J’ai voté pour le retrait de la candidature de Marie-Georges Buffet et je pense que la voie d’une autre candidature communiste n’a pas été suffisamment explorée
Il serait néanmoins parfaitement injuste d’attribuer au seul PCF la responsabilité de la situation actuelle. Un certain nombre de nos personnalités antilibérales nous ont quand même joué un sacré bal des hypocrites. Car enfin, quand les discussions sur la candidature ont commencé, il n’a jamais été question d’interdire la candidature aux responsables de partis politiques (en particulier l’un d’entre d’eux) et MGB a été candidate à la candidature sans que cela soulève de problèmes. Pourtant la question méritait d’être effectivement posée et discutée à ce moment-là, cela aurait permis d’éclaircir le débat et d’éviter certaines impasses. Mais sans doute certains étaient-ils un peu trop sûrs de leur fait! Car, curieusement, la question ne s’est posée qu’à partir du moment où les collectifs locaux ont donné la préférence à la candidature de MGB. Il faut croire que certains narcissismes se sont trouvés mis à mal... Je pense à José Bové qui se voyait déjà en guest star hissé sur le pavois par des militants antilibéraux extasiés ou Clémentine Autain qui, après un siège des radios et des télévisions qui en a fait la candidate des médias, se voyait déjà... en haut de l’affiche. Je ne m’inquiète pas pour elle, d’ailleurs, elle ne devrait pas tarder, selon moi, à rejoindre le PS, par exemple sous la forme d’un strapontin ministériel dans un gouvernement nommé par Ségolène.
Il s'est donc trouvé un collectif national -composé de "personnalités" ne représentant la plupart du temps qu'elles-mêmes, quelle que soit l'estime qu'on puisse leur porter (Jennar, Debons...) et de responsables d'organisations fort sympathiques mais dont la plupart pourraient tenir leur congrès dans une cabine téléphonique- pour inventer cette étrange exigence d'un "double consensus", ce qui revenait à invalider le vote des collectifs locaux. En fait, on s'est retrouvé dans une situation bien connue: le petit peuple des militants de base ayant mal voté, l'élite de la pensée antilibérale se devait de corriger ses errements
Il est vrai que dans les collectifs locaux, il y avait, à l'évidence, une majorité de communistes, comme c'était le cas dans les comités du NON, comme c'était le cas sur le terrain contre le TCE. Ce qui ne rendait pas le résultat automatique, le temps n'est plus où les communistes votaient comme un seul homme: j'en connais qui ont voté contre MGB alors que des non-communistes ont voté pour. Parler de "noyautage", comme le fait Onfray, est grotesque: dans l'état où il est, hélas, le Parti est bien incapable de noyauter quoi que ce soit. Fallait-il donc se cacher? Ne pas participer aux votes pour ne pas faire de peine?
Il y a sans aucun doute une logique d'appareil dans le maintien de la candidature de MGB. Je m'étonne toujours, cependant, qu'on n'ait guère adressé ce reproche à la LCR qui a poussé cette logique bien plus loin avec la mise en place très tôt de son candidat et sans avoir eu visiblement à aucun moment la moindre intention de participer à quelque candidature antilibérale que ce soit, sauf si c'était pour imposer son joli candidat médiatique. Et toujours en s'accrochant comme une moule à son rocher à son prétexte un peu grossier de refus de tout compromis (que personne ne préconise) avec le PS. Un PS dont elle a pourtant bien besoin pour lui fournir le parrainage d'élus socialistes.
Au PCF, c'est une logique d'appareil sans beaucoup d'appareil. Par contre certains arguments d'un anticommunisme qu'on croyait suranné (stalinisme...) ont stimulé une forme de patriotisme de parti. Pour beaucoup de communistes comme notre ami J.-F. Autier, je pense, il était impensable qu'il n'y eût pas de candidat communiste. Il se préparait même, dit-on -j'en frémis encore- une candidature Gremetz. Tout cela est bien regrettable et n'augure rien de bon; je persiste à penser qu'une autre candidature communiste était possible. Cela dit, je préfère encore voter pour MGB que pour n'importe lequel de ces gens qui m'ont donné la sale impression, comme le dit l'écrivain Denis Fernàndez-Recatalà, qu' "on veut bien inviter les communistes à la table à condition qu'ils règlent la note, sans sourciller, qu'ils fournissent les marmitons et servent de valetaille."
Paru dans les Nouvelles, 5 janvier 2006