Misère de la social-démocratie III

Écrit par Gérard LS le . Publié dans Social-Démocratie

Toujours en recherche de respectabilité, nos socio-néolibéraux croient avoir trouvé une référence crédible avec cette formule saugrenue de « socialisme de l'offre », sauf que cette expression est constituée de deux termes contradictoires, ce que l'on appelle un oxymore. Même en s'en tenant à une définition minimale du socialisme comme répartition équitable des fruits du travail, ce que les socio-démocrates eux-mêmes nomment redistribution, la politique (ou l'économie) de l'offre en est l'exact contraire. L'économie de l'offre ne veut rien savoir de la consommation, de la demande, de la (re)distribution, il n'y a que le « producteur » qui compte car la demande ne saurait préexister, c'est l'offre qui engendre sa propre demande, c'est la production qui invente ses débouchés. Notons qu'on veut nous faire passer ici pour le comble de la modernité une vieillerie idéologique qui remonte à Jean-Baptiste Say (mort en 1832!). La théorie voudrait qu'il n'y ait que des producteurs propriétaires échangeant leurs produits, mis à part qu'en régime capitaliste, les « producteurs » en question sont une mince frange de détenteurs de capitaux qu'il faut être aussi mal élevé qu'un communiste pour traiter de patrons. Autrement dit le « socialisme » de Hollande c'est, en quelque sorte, le socialisme des patrons...

Le keynésianisme, plus attentif à la demande, n'aura été qu'une parenthèse. La politique de l'offre, qui n'avait jamais vraiment disparu, a fait un retour en force sous Reagan aux Etats-Unis. Ce sont les fameux « reaganomics » qui allaient être repris comme un évangile par tous les dévôts du marché avec la pandémie néo-libérale qui continue de ravager le monde, réduisant les rapports humains et sociaux à la loi de la jungle qu'ils appellent « compétition internationale ». Le dogme principal est la réduction des dépenses de l'Etat et l'ennemi principal l'impôt. On voit que rien ne change. C'est, d'une façon générale, la guerre à ce qu'ils désignent avec un haut-le-coeur comme les « prélèvements obligatoires ». Les interventions de l'Etat en matière économique et sociale sont diabolisées au nom du laisser-faire et d'une foi inconditionnelle dans les «mécanismes autorégulateurs du marché », d'où les campagnes idéologiques permanentes pour toutes sortes de dérèglementations même s' il n' y a plus que les fanatiques pour refuser de voir que les « marchés » n'autorégulent rien du tout. Rien ne doit s'opposer au développement de l'offre, quel qu'en soit le prix. Le « désengagement » de l'Etat doit en particulier concerner les prestations sociales : toute aide aux chômeurs et aux déviants ne saurait être qu'une « désincitation » au travail multipliant des pauvres satisfaits de leur sort et constituant une menace pour la société...

Culturellement insensible à la malfaisance de cette politique car totalement inféodé à l'économie de marché, Hollande croit s'en sortir en se réclamant donc dans son intervention du 13 novembre 2012 d'une prétendue tradition d'un « socialisme de l'offre » qui coexisterait avec un « socialisme de la demande ». Une pure fabrication de circonstance... à la réjouissance du choeur des idéologues ! Le 15 novembre, le Monde confirme : Hollande « est redevenu lui-même, un social-démocrate partisan d'un socialisme de l'offre »... Ce que le Monde, qui semble prendre ses lecteurs pour des demeurés, définit comme : « il faut produire avant de distribuer » . Pas possible ? Comme c'est simple ! Dès les 26/27 octobre, M. Le Boucher, saisi d'un accès de lyrisme débridé, prêchait, dansles Echos, pour une « économie de l'offre créative, souple, innovante, shumpétérienne et créatrice d'emplois ». Il ne précisait pas où il a déjà vu ça ! M. Moscovici n'hésitait pas lui à vanter une « révolution copernicienne ». Rien que ça ! Ce qui l'a mené tout naturellement, en excellent « homme de gauche », à se réjouir de la victoire électorale de la droite à Chypre après avoir salué celle de la droite en Grèce... Reste l'ineffable M. Collomb, maire socio-ultralibéral de Lyon, qui, le 13 mars, a mangé bêtement le morceau dans une interview au Monde : « je ne défends pas les patrons, je défends un socialisme de l'offre », dit-il. Ce « je ne défends pas les patrons » est un magnifique exemple de ce qu'on appelle en psychanalyse une dénégation : formuler une pensée jusqu'ici refoulée tout en continuant à s'en défendre en niant qu'elle vous appartienne.

1er avril 2013