Misère de la social-démocratie IV

Que Hollande ait cédé à toutes les exigences patronales est une évidence. On se rappelle les glapissements de Parisot, menaçant et geignant, «le gouvernement doit avoir une stratégie probusiness », « l'angoisse des patrons est à son comble », « l'expression patrons-voyous, c'est du racisme »... pour finalement admettre : « la direction qui a été donnée par le gouvernement est la bonne ». Avis partagé par Jean-Claude Volot, candidat à la présidence du MEDEF, « au final le bilan sera positif » ou Thibaut Lanxade, PDG d'Aqoba, « on arrive à une conclusion très positive ». Etrangement, le 05.11.2012, la veille de la remise du rapport Gallois, les journaux patronaux avaient les mêmes titres : le Figaro, « Compétivité : Hollande au pied du mur » ; les Echos, « Le rapport qui met Hollande au pied du mur ». Quant au Monde, il osait titrer : « Le rapport qui dérange » ! Mais qui dérange qui ? Un rapport encensé par tous les puissants et dominants de la politique, de l'économie et des médias !... Le même Monde se croyait obligé de nous resservir, le 15.11, l'inusable cliché selon lequel « au registre des lendemains qui chantent a succédé celui, assumé, du sang et des larmes »... Les sempiternels « accents churchilliens » également recommandés, précédemment, par la momie de Jean Daniel dans le Nouvel Observateur. On ne remarquera jamais assez combien ces gens bien installés prennent leur parti avec allégresse des difficultés qu'ils promettent aux autres : ils appellent ça des « réformes courageuses » !

Pour M. Collomb, déjà cité, il ne fallait pas tomber dans de « folles chimères ». Une chimère est un monstre fabuleux formé de diverses parties de corps d'animaux. En ce sens, c'est bien le « socialisme de l'offre », lequel a donc les faveurs du nouveau social-libéralisme, qui mérite l'image de la chimère : un amalgame monstrueux et inquiétant. La politique de l'offre a une histoire. Face à la crise de 1929, elle a par exemple été mise en place, en Allemagne, par le chancelier (centriste) Brünig. Que préconisaient donc les doctes experts économistes de l'époque ? La réduction des coûts salariaux, la remontée des profits pour favoriser la relance des investissements privés, la réduction des dépenses publiques pour restaurer la crédibilité des Etats... Il me semble que j'ai déjà vu ça quelque part... Cela fait 80 ans et on n'a pas trouvé mieux ? Quelles furent alors les mesures prises par Brünig ? Baisse des salaires des fonctionnaires de 10% puis baisse générale des salaires des ouvriers et des fonctionnaires, diminution de 14% de l'aide aux chômeurs, exclusion des femmes du droit à ces indemnités, diminution des allocations familiales... Parallèlement, réduction d'impôts et subventions pour les entreprises... C'est ça la politique de l'offre... Et c'est cette vieille rengaine que nous fredonne Hollande : d'un côté 20 milliards de cadeau fiscal sans contrepartie, sinon la « bonne volonté » des patrons comme le soulignait les Echos du 26.09.2012 ; de l'autre côté les baisses de salaires et la précarité accrue que va permettre l'Accord national interprofessionnel (ANI) dont les Echos du 23.01.2013 nous disent, en parlant de « réforme de contrebande » : « par la magie d'un discours, la réforme du marché du travail voulue comme telle par Laurence Parisot est repeinte en gauche ». On est sidéré que des syndicats de salariés, CFDT ou CFTC, aient pu se rendre complice d'une telle infamie ! Est-ce une piste ou une coïncidence, le chancelier Brünig qui a mené la même politique avait été secrétaire général de la Confédération générale du travail qui, en Allemagne, était un syndicat chrétien : « sa politique ne visait donc aucunement à venir en aide aux salariés victimes de la crise mais à relancer l'activité des entreprises surtout exportatrices grâce à la baisse des coûts de production quelles qu'en soient les conséquences sociales » (le Monde, 27.11.2012). On voit quelles recettes éculées les socio-libéraux nous proposent. Faut-il préciser que l'expérience Brünig, avec son chômage de masse, a conduit directement au nazisme ? En France, une politique de même inspiration menée par Pierre Laval a débouché sur le Front Populaire, tout comme celle menée aux Etats-Unis par le président Herbert Hoover a permis l'avènement de Franklin Roosevelt... Des précédents historiques à méditer.

15 avril 2013