L'art et le capital (aujourd'hui)

Écrit par Gérard LS le . Publié dans Culture - Médias - Histoire - Société

Il est un débat qu'il faudrait avoir et qui m'est resté en travers de la gorge. C'est il y a un an, Hollande feignait encore de vouloir vraiment imposer les riches. Le député socialiste Christian Eckert, rapporteur général du budget, proposait dans un amendemant d'inclure (modérément) les œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, une proposition déjà avancée, en 1993, par Jean-Pierre Brard, député apparenté communiste. Que croyez-vous qu'il arriva ? On vit Claude Cabanes dansl'Humanité, monter au créneau, aux côtés des galeristes, courtiers et spéculateurs de tous poils, contre un dispositif qui, dixit Cabanes, « pourrait avoir des effets destructeurs sur le mouvement de l'art lui-même et son marché dans notre pays » (17.10.2012). Comme si le marché de l'art était plus respectable que les autres.

Mais surtout, quelle naïveté ! Comme si l'on était encore à l'époque des Kanhweiler, marchands et collectionneurs pas forcément désintéressés mais toujours passionnés... Comme si l'ultralibéralisme n'était pas passé par là ! Les Echos, qui s'y connaissent, décrivent « un marché de l'art devenu hautement spéculatif, particulièrement cette décennie (où) chacun cherche la meilleure stratégie possible pour maximiser ses profirs » (21/22.12.1012). Invoquer ici comme le fait Cabanes « l'alliance des forces du travail et des forces de la création » est pathétique.

On peut également rappeler que la plus-value sur la revente d'oeuvres d'art est exonérée au bout de 12 ans et les Echos, toujours, conseillaient : « ne créez pas d'emplois trop vite et spéculez sur les œuvres d'art car aucune valeur ajoutée n'est nécessaire pour acheter et revendre » (23.10.1012) . Ajoutons qu'il est illusoire de distinguer, comme le souhaite Cabanes, collectionneurs et spéculateurs. Et puis, doit-on perpétuer cet archaïsme qui nous soumet au caprice de riches acquéreurs, à cette insupportable usurpation qui leur permet de se constituer un capital symbolique d' « homme de culture » afin de mieux légitimer l'accumulation de leur capital économique ? M. Bernard Magrez achète un Stradivarius, il lui donne un nom et le prête, grand seigneur, à l'ONBA. Et il le fait savoir ! Qui va croire à son désintéressement ?

Gérard LOUSTALET-SENS