Antisémitisme et anticommunisme

A propos de l’affaire Siné-Charlie Hebdo, il était fatal que M. B.H. Lévy, héraut autoproclamé de la lutte contre l’antisémitisme, donne son avis. Toujours en quête de généralités, il repère ironiquement, certes, l’existence d’antisémitismes autorisés, à droite s’il s’agit d’un officier supérieur de l’armée française, à gauche si l’enjeu est un banquier juif, symbole du grand capital. Mais il est un antisémitisme qui semble avoir toujours étrangement échappé à sa vigilance: l’antisémitisme anticommuniste dont J.-J. Becker et S. Bernstein soulignent, dans leur Histoire de l’anticommunisme, qu’il a été particulièrement virulent dans les années 20 et 30 où l’on dénonce dans le bolchevisme un « complot juif ». Par exemple, en 1939, une Alliance universelle des chrétiens militants (citée par Becker et Bernstein) publie une brochure intitulée: « le communisme est juif ». On y apprend, entre autres, que « les Juifs ont pétri le Parti communiste à leur image en y ajoutant la discipline d’une armée: habileté à déguiser son jeu, fanatisme de la haine contre tout ce qui résiste, mépris de la morale, impérialisme, promptitude à la violence et aux tueries ». D’où l’idée répandue que les Juifs avaient mérité, en se faisant les agents de la subversion communiste, le châtiment qui les frappait. Cette thèse, euphémisée, est encore vue sans défaveur par des historiens allemands et français pour qui tant de Juifs, en se compromettant dans le mouvement communiste, causant ainsi du tort aux non-Juifs, auraient donné argument pour l’extermination de leur peuple. Comment pourrait-on expliquer que cette forme d’antisémitisme ait pu se dérober à la sagacité de l’auteur de L’Idéologie française?

Gérard LOUSTALET-SENS Courrier au Nouvel Observateur, 22 juillet 2008 (non paru)