CAMUS JOURNALISTE
A la fin de son portrait de Camus (Huma, 11.09.2012), Maud Vergnol, mentionnant sa dénonciation des « méthodes du FLN » en 1956, prétend qu'il aurait « sans doute évolué sur la question » avant de mourir. Hypothèse totalement gratuite et même fort improbable si l'on relit les Chroniques algériennes.
En fait, il faut bien le dire, Camus a toujours été viscéralement hostile à l'indépendance algérienne. Son projet de « trêve civile » ne visait à reconnaître une « personnalité arabe » en Algérie que pour mieux préserver ce qu'il appelle les « intérêts français ». Il s'efforce d'établir une fausse symétrie où les « excès de la répression » ne feraient que répondre aux « débordements de la rébellion ». Il refuse toute négociation avec le FLN, fut-ce pour un cessez-le-feu, car « cela signifierait l'indépendance de l'Algérie dirigée par les chefs militaires les plus implacables de l'insurrection ». Il voudrait montrer qu'un peu de bonne volonté de part et d'autre permettrait de tout arranger : c'est l'imposture coutumière qui veut que ce soit toujours aux opprimés en rébellion que l'on demande une bonne volonté que l'on n' exige jamais des oppresseurs tant que rien ne bouge. A la fin, Camus verse dans le camp de la droite la plus triviale, celle de la défense de l'Occident, en reprenant la théorie du complot d'un « nouvel impérialisme arabe (…) que la Russie utilise à des fins de stratégie antioccidentale (…) pour encercler l'Europe par le sud ».
Il y aurait encore à dire et il serait peut-être temps de nuancer le statut d'icône indiscuté dont bénéficie Camus !
Gérard LOUSTALET-SENS
Courrier au journal l'Humanité, 13 septembre 2012 (non paru)