Qu'est ce que le libéralisme politique ?
Ainsi donc Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris, vient de revendiquer à son de trompe son adhésion résolue aux glorieux principes du libéralisme politique! Quoi de plus logique au moment où le parti socialiste officialise enfin sa longue liaison avec « l’économie de marché ». Car, on le sait bien, le libéralisme politique n’est que le cache-sexe idéologique (ou le faux-nez, choisissez votre métaphore!) du libéralisme économique autrement nommé capitalisme. Pour se donner bonne conscience, la déclaration socialiste parle « d’économie sociale et écologique de marché ». Précaution dérisoire que cette formule ampoulée qui est un parfait oxymore: ce qu’on appelle « social » est l’antithèse même d’un marché qui par ailleurs n’a rien à faire de l’écologie. Le marché, c’est en effet une course perpétuelle pour la production effrénée de n’importe quelle marchandise pourvu que cela génère un profit, c’est une concurrence impitoyable pour rafler des « parts de marché », comme ils disent, sans autre préoccupation qu’un gain immédiat et le plus élevé possible. C’est au moment où ce système apparaît clairement comme une fuite en avant inconséquente et obtuse conduisant à un suicide planétaire, que le parti socialiste s’y rallie officiellement! Il faut juste « réguler » le marché avancent certains. Mensonge ou ignorance: le marché, par définition, n’admet ni règles ni contraintes et s’équilibrerait tout seul par le « libre jeu de la concurrence » et l’intervention magique de la fumeuse « main invisible » imaginée par ce farceur d’Adam Smith, il y a 230 ans, un jour d’humeur folâtre.
Il faut beaucoup de sottise ou de mauvaise foi pour tenter de dissocier l’économie de marché du libéralisme politique. Celui-ci en hypostasiant la liberté individuelle, en en faisant une sorte de substance universellement partagée dont chacun disposerait à sa guise, voudrait faire croire que l’on choisit librement et rationnellement d’être chômeur ou PDG, SDF ou actionnaire... Le libéralisme politique, c’est la « liberté » pour le salarié « libre » et isolé, soumis à la jungle du marché « libre » de s’en remette « librement » au pouvoir discrétionnaire d’un patron « libre » de l’engager ou non. Le libéralisme politique, c’est une véritable anthropologie faisant de l’égoïsme social la norme d’une prétendue « nature humaine » dans une société réduite à une collection d’individus où c’est en travaillant à son intérêt personnel que chacun contribuerait à l’intérêt général. Ce qui est bien commode! Jusqu’à l’incommensurable médiocrité du « modèle » anglo-saxon où la réussite sociale ne peut s’estimer que par une confortable fortune en dollars... Ce qui fait de Rimbaud, mort à Marseille, misérable et malade, un minable et d’Einstein qui n’a pas su faire une montagne de dollars avec sa découverte de la relativité, un raté!
Mais le libéralisme politique, c’est encore l’élitisme, le mépris du peuple et la crainte du suffrage universel, la légitimation des inégalités. Dès la Révolution française, le libéralisme distingue citoyens actifs et citoyens passifs et pour Barnave, député girondin (de Grenoble), la véritable citoyenneté ne peut se fonder que sur « l’indépendance de la fortune, un intérêt particulier à défendre, une éducation plus soignée et des lumières plus étendues ». De Montesquieu et Benjamin Constant à aujourd’hui, c’est une constante: être un bon citoyen nécessiterait de la fortune, de l’éducation et des loisirs. Le thermidorien Boissy d’Anglas est encore plus clair: « nous devons être gouvernés par les meilleurs: or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui, possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve ». Quant à la justification des inégalités au nom d’impostures comme le mérite et le talent (qui ne sont reconnus qu’à ceux qui en sont pourvus par la fortune), elle ne sert qu’à faire de la pauvreté du grand nombre le « prix à payer » pour l’« enrichissement général » dont on peut alors se demander à qui il profite... Mais on le sait bien!