Haine de classe

Écrit le . Publié dans Idéologie Libérale

Pour les éditocrates médiatiques, toute revendication ouvrière est déjà suspecte, mais dès qu'il s'agit d'une action syndicale des cheminots, cela devient de l'hystérie. La machinerie médiatique s'est donc déchaînée avec un ensemble confondant et une violence redoublée ces derniers jours, recyclant sans vergogne, contre la CGT-Cheminots, les clichés imbéciles les plus éculés de la doxa journalistique, celle qu'on apprend dans les écoles de journalisme. Ne parlons même pas des gnomes politiques tel l'UMP Xavier Bertrand demandant au gouvernement de la « fermeté (face) aux grévistes jusqu'au-boutistes », comme s'il pouvait croire que ses crachotis aient quelque importance ! On ne fera que signaler l'incroyable mélopée néo-libérale qui endort les téléspectateurs de C dans l'air, le chenil favori des nouveaux chiens de garde, et ses experts bidons, surtout experts, en l'occurence, de hargne antisyndicale, telle cette insupportable dame Nay Catherine, vieux cheval de retour de la politique politicienne qui confond depuis 40 ans journalisme et connivences tous terrains avec les puissants... D'où cette morgue antiouvrière et ce mépris des luttes syndicales. C'est ce qu'on appelle la haine de classe !

     On en est à un tel degré d'unanimisme décervelé que l'on voit deux organes de presse que l'on fait passer pour sérieux, le Monde et Sud-Ouest, pondre le même jour le même éditorial, presque avec les mêmes mots (16.06.2014). Les deux éditoriaux convoquent rituellement les mânes de Maurice Thorez et son propos, historiquement daté, selon lequel « il faut savoir arrêter (ou « terminer », selon les auteurs qui ne sont même pas capables de citer correctement) une grève dès que satisfaction a été obtenue », un propos devenu abusivement et bien inutilement un véritable mantra ultralibéral... Inévitablement, le Monde accuse les cheminots d' « irresponsabilité » et de « conservatisme » tandis que Sud-Ouest, non moins inévitablement, fait dans un poujadisme gluant où, évidemment, le « confortable statut des agents » (SNCF) est opposé à des « usagers » (on n'en parle jamais autant!) qui « ne bénéficient ni de l'emploi à vie, ni de la retraite à 55 ans ». Salauds de cheminots ! Sud-Ouest sait reconnaître les vrais privilégiés de notre temps qui « n'ont cure » de la « galère » des usagers... Propos banal mais plume haineuse, M. Bruno Dive, puisque c'est de lui qu'il s'agit, incite clairement à des représailles... 

     Là où ces deux journaux dits d'information font fort, c'est lorsqu'ils osent écrire : « la grève est illisible pour l'opinion » (le Monde) ; « personne n'en comprend les raisons, il est vrai obscures » (Sud-Ouest). Mais qu'ont-ils donc fait, eux, pour expliquer et informer ? Ils font évidemment semblant de ne pas comprendre car il ne faut pas que les « usagers » connaissent les raisons des cheminots : la partition de la SNCF en deux entités a été une catastrophe ? Qu'à cela ne tienne, on en fera trois ! Ce serait la politique du père Ubu si l'on ne connaissait le véritable dessein : démanteler le service public et le livrer à la « concurrence » dogmatiquement décrétée par les dévots du marché, ce qu'ils appellent « libéralisation », en fait une privatisation systématique dont les avantages pour les fameux usagers n'ont jamais été démontrés mais dont les inconvénients sont bien connus, hausse des tarifs et baisse de la sécurité...

     MM.Bertrand ou Dive voudraient des sanctions. Pas besoin de pousser Valls qui proclame la « très grande fermeté du gouvernement ». C'est que les socialistes ont l'expérience de la répression anti-ouvrière. On rappellera  pour mémoire que, en France, en 1948, c'est un ministre de l'intérieur socialiste SFIO, Jules Moch, qui a fait tirer sur les mineurs en grève, non sans avoir inventé une fausse injonction de Staline à provoquer des désordres ! Les cheminots, comme les mineurs de 1948, portent toujours haut l'étendard de la classe ouvrière : c'est pour cela qu'ils doivent être abattus ! Il s'est même trouvé un dirigeant syndical, Berger, de la CFDT, pour poignarder les grévistes dans le dos : « il n'y avait pas de raison de faire grève (…), il faut l'arrêter ». Encensée par les médias (il faut voir les articles énamourés de Noblecourt dans le Monde), chouchoutée par le pouvoir, applaudie par les patrons, la CFDT est devenue syndicat officiel. Toujours prête à signer tout ce qu'on lui propose, il va bien falloir finir par s'interroger sur la fonction de cette organisation dans le processus de soumission des salariés au carcan du marché capitaliste...

 

22 juin 2014