LE CODE DU TRAVAIL SUISSE N'EXISTE PAS

Écrit le . Publié dans Idéologie Libérale

L'effet « pervers » de toute mesure progressiste est un lieu commun de la rhétorique réactionnaire (Albert O. Hirschman, 1991). Il est ici répété ad nauseam à propos du Code du travail, un « fléau » selon M. Gattaz, en l'espèce la cause première de l'inénarrable « peur de l'embauche ». On ne peut néanmoins laisser dire n'importe quoi. M. Bruno Dive (Sud-Ouest, 10.09.2015) reprend ainsi à son compte sans la moindre vérification une fable de M. Bayrou qu'il faut rappeler. C'est un coup médiatique qui date de quelques mois. Dans une pitoyable mise en scène, on voit M. Bayrou jeter théâtralement sur la table, dans une quelconque émission télévisée, un gros volume présenté comme le Code du travail français puis un livret de quelques feuillets censé être le Code du travail suisse, leur poids respectif étant supposé expliquer la différence des taux de chômage. Alain Supiot, professeur au Collège de France à la chaire « Etat social et mondialisation : analyse juridique des solidarités », a, le premier, dénoncé une méprisable supercherie (le Monde, 15.10.2014) : le soi-disant Code du travail brandi par Bayrou était une édition comprenant annotations, commentaires et jurisprudence, le véritable Code ne fait pas 3 000 pages mais 1 650. Ce n'est pas plus que le Code du commerce lequel, curieusement, ne semble pas gêner M. Bayrou. Quant au « Code  du travail suisse », il n'existe tout simplement pas et M. Bayrou n'a pu étaler que quelques pages d'une des diverses lois qui constituent le droit du travail en Suisse. Malhonnêteté intellectuelle et exhibition de bonimenteur, un « numéro qui n'honore pas le débat politique » concluait Alain Supiot !

 

                                                                    Gérard Loustalet-Sens

 

Paru dans Sud-Ouest, 11 septembre 2015