L'esprit du macronisme (II)

Écrit le . Publié dans Idéologie Libérale

 

 

Face au pauvre, le bourgeois macronien se pose volontiers en moraliste et donneur de leçons de bonne conduite... Lui-même, n'est-ce pas, est exemplaire... D'abord il faut que les pauvres apprennent à gérer leur budget car « il y a un problème dans les classes populaires, ils ne savent même pas calculer »... Il faudrait un « enseignement au collège pour équilibrer un budget », des « cours d'économie domestique à l'école ». D'autant plus que cette famille de Gilets jaunes (voir chronique du 21.02.2019) est soupçonnée de dépenses somptuaires : une « BMW (d'occasion tout de même) », des « smartphones dernier cri », des « crédits à la consommation », un « budget clopes » pour « les Marlboro », un « abonnement 3 bouquets TV et à Canal+ », une « télé 4K »... Un vigilant lecteur du Monde a d'ailleurs vu un de ces manants (à quoi l'a-t-il reconnu?) « jouer à des jeux d'argent » et même -scandale inouï- « acheter au rayon traiteur des grandes surfaces » ! Mais jusqu'où ira donc l'impudence de ces misérables ? Manifestement, ils ne savent pas rester à leur place et il faut leur « apprendre à vivre en fonction de leurs moyens ».

Cette famille relève d'une « prise en charge sociale », nous dit-on. C'est que la suspicion est forte d'avoir affaire à de mauvais parents : « Est-ce que la mère fait lire des bouquins aux enfants ? Est-ce qu'elle suit leurs devoirs ? Est-ce qu'elle les sort de devant la télé ? J'ai des doutes » dénonce doctement et au hasard un censeur auto-désigné. Il y a pire, non seulement la mère est supposée, sans la moindre preuve mais avec beaucoup de préjugé, ne pas s'occuper de l'éducation des enfants mais le père leur « apprend » en plus des « chansons grotesques » qui « insultent le président de la République » ! L'objet du délit : Arnaud, le père, s'amuse d'entendre son fils de 7 ans chantonner : « Oh, oh, Macron tête de con ! » Horreur ! Le contenu politique du slogan est certes un peu sommaire... De là à en faire un crime de lèse-Jupiter, il faut toute l'idôlatrie d'un courtisan macronien pour s'y risquer, jusqu'à se donner le ridicule de suggérer une « mesure d'éducation en milieu ouvert ordonnée par le juge des enfants » et que « ces personnes soient placées sous tutelle surtout quand on voit ce que chante leur fils ».

Comme ses aïeux industrieux du XIXème siècle, le bourgeois macronien se doit néanmoins de célébrer les bons pauvres, ces « couples modestes qui ont réussi par leurs efforts à l'école et au travail, qui s'en sortent en travaillant et gérant intelligemment leurs budget », ces « boursiers (qui) ont rendu mille fois ce qu'on leur a donné parce que leurs parents illettrés leur ont donné le goût de l'effort ». Comment le macronisme ressuscite le paternalisme le plus exécrable... Car, en plus, il y a du bonheur à être pauvre : « j'étais d'une famille d'ouvriers, je mettais les vêtements de mon frère aîné. J'étais pauvre sans le savoir mais heureux et fier de mes parents... J'ai réussi dans mon travail... Voilà ce qu'il est possible de faire quand on vient d'une famille modeste ». On voit tout le « progressisme » de ce conte édifiant directement puisé chez la comtesse de Ségur...

Ah, le « goût de l'effort » ! Comme tout possédant le sait, la principale cause de la pauvreté, c'est la fainéantise des pauvres ! De toute façon, précise un expert sentencieux, « cariste, ça vaut pas plus de 1500 € ». Alors, Arnaud, il faudrait « qu'il se bouge », « il pourrait faire de l'intérim pour quelques heures ou le week-end ou les nuits... A 26 ans, il n'en mourra pas ». Les braves gens ! Quant à la mère, Jessica, « elle pourrait prendre un temps partiel »... Mais attention, la femme Gilet jaune n'est pas une espèce très fréquentable. Un esthète agréé (en bassesse) en a croisé deux spécimens lors d'une manif de GJ et se croit autorisé à préciser : « le terme (de femme) est déjà presque exagéré tant leur look appellerait des qualificatifs plus péjoratifs ». Hé oui, nouvelle confirmation, le bourgeois macronien en est à reprendre les mêmes accents que le bourgeois versaillais à propos des femmes des classes populaires. On connaît l'ignominie d'Alexandre Dumas fils (La Dame aux camélias) parlant des femmes insurgées de la Commune : « Nous ne dirons rien de ces femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes ». La communauté de pensée et même d'expression entre le macronien et le versaillais est frappante. Comment s'en étonner ! De siècle en siècle, la bourgeoisie a fondé la continuité de sa domination sur la dénégation de l'humanité des classes populaires. (à suivre).

 

NIR 222. 4 mars 2019.