DE VRAIS-FAUX DEFICITS
Les sempiternelles admonestations et le catastrophisme de M. Dessertine sont moins les considérations d'un expert que d'un partisan d'une certaine forme d'économie. M. Dessertine a la phobie de la dette publique. Il sait pourtant qu'elle est inhérente au fonctionnement de tout Etat. Tous les Etats ont toujours emprunté pour leurs dépenses de fonctionnement et d'investissements. Sait-on que la dette publique allemande est supérieure, en valeur absolue, à la dette française ? C'est d'ailleurs la plus élevée d'Europe, même s'il est vrai qu'elle représente un pourcentage du PIB inférieur au cas français par exemple. Et ne parlons pas de la colossale dette américaine ! La dette publique est normale et nécessaire, c'est le placement le plus sûr et le plus utile pour un prêteur. Prétendre, comme on le fait parfois, qu'elle serait de même nature que n'importe quelle dette privée est d'une malhonnêteté confondante.
De la même façon, essayer de faire croire que le budget de l'Etat devrait se gérer comme celui d'un « ménage » est une ineptie, M. Dessertine le sait, qui relève soit de la sottise, soit de la mauvaise foi. M. Dessertine ne parle que des dépenses, rarement des recettes. Sait-on que la fraude fiscale est, en France, l'équivalent du déficit du budget annuel de l'Etat ? Autrement dit, si les recettes fiscales rentrent normalement, il n'y a plus de déficit budgétaire ! Etonnant, non ! Tout aussi étonnant, dans le même ordre d'idée, la Cour des comptes elle-même vient de rapporter que le montant de la fraude sur les cotisations sociales est supérieur au déficit de la Sécurité sociale. Autrement dit si, là aussi, les recettes rentrent normalement, il n' y a plus de « trou » de la Sécu !
Du haut de ses dogmes, M. Dessertine va sans doute doctement objecter que ce n'est pas si simple. Ben voyons ! Surtout si on n'a pas la volonté politique de s'attaquer au problème... En attendant, les préconisations de M. Dessertine et ses pareils vont consister à faire payer les « ménages », c'est-à-dire l'immense foule des salariés, pour compenser les malversations et l'absence de scrupules d'une fraction importante des plus riches.
Gérard LOUSTALET-SENS
Courrier au journal Sud-Ouest, 2 octobre 2014