Connivences
On sait les connivences diverses qui fonctionnent dans le personnel politique entre libéraux orthodoxes, socio-libéraux et libéraux-écolo. Mais la manifestation de l’évidence surprend toujours.On a vu ainsi M. Daniel Cohn-Bendit, début juillet, au Parlement européen, faire son numéro dedéfenseur des droits de l’homme en Chine. On connaît par cœur la scénographie de ses indignationsà géométrie variable et le cabotinage du personnage dont la gouaille calculée de bouffonraisonnable est censée égayer autant qu’émouvoir les travées sinistres de l’amphithéâtre de
Déroulement de l’épopée, selon Le Monde du 12 juillet. D’entrée, Jean-Pierre Jouyet, un sous-ministre sarkozyste, lui « tapote » cruellement l’épaule: « on va se bagarrer ». Du coup « l’euro-député s’échauffe pour la castagne ». Son « sang ne fait qu’un tour »: « je vous félicite pour les Jeux olympiques du mensonge ... ». Sa voix s’étrangle, il pleurerait presque, selon les mémorialistes de la légende qui s’amorce! Le grand jeu, si je puis dire... Pendant les autres discours-qu’il n’écoute donc même pas- il « se balade entre les allées, bavarde ci et là, salue son copainJouyet, s’en va ». Et Le Monde de commenter: « dans les coulisses de la plénière, on rigole bien ». Les Chinois aussi.
Le sommet de l’affrontement a lieu le 10 juillet quand Sarkozy revient de Chine. Dialogue pour l’histoire:
« - Cohn-Bendit: M. le Président, c’est minable d’aller à l’ouverture des Jeux Olympiques.« - Sarkozy: M. Cohn-Bendit, je connais votre générosité ».
Et voilà. Epique, on vous dit. On a frôlé le drame mais le sang n’a pas coulé. On est entre gensde bonne compagnie. La « réconciliation » sera illustrée par une chaleureuse poignée de mainpublique photographiée en grand pour l’édification des générations futures. Et Cohn-Bendit deretourner à ses occupations habituelles, c’est-à-dire: « papoter dans les rangs de la présidence française avec Kouchner qui lui propose de rentrer à Paris dans l’avion présidentiel ». Quant auxdroits de l’homme en Chine, s’ils sont ce que l’on en dit, ils attendront bien un peu!
Fin août, revoilà le même dans le costume de grand chef écologiste. Rarement un personnageayant aussi peu d’idées les aura autant exploitées. Il paraît que les Verts vont donc confier leurdestin à un trio de stars médiatiques. Nicolas Hulot arrive, ayant enfin découvert, après mûresréflexions, que l’économie de marché n’était pas compatible avec l’écologie, ce qui ne devrait pas trop plaire au libéral indécrottable qu’est « Dany ». Le troisième larron sera José Bové, l’antilibéralde foire bien connu, qui proclame élégamment « qu’on a été con de ne pas faire ça plutôt ». Enl’occurrence, et pour reprendre le vert langage de M.Bové, on peut se demander si les « cons » neseraient pas ceux qui lui ont fait confiance et l’ont soutenu à la présidentielle de 2007, en particulierces élus communistes, ou présumés tels, qui ont cru bon de le parrainer et qui, je le suppose,n’imaginaient pas le voir parader avec Cohn-Bendit un an plus tard!
Il faut dire que les Verts, sans vouloir les critiquer, ont des mœurs politiques assezparticulières. La conviction écologique, bien que très respectable, s’avère souvent très malléable cequi permet de changer de cheval en toute quiétude. On a vu un ex-Vert se laisser débaucher parJuppé aux municipales, pour mieux défendre l’écologie, bien entendu, ne pas rejoindre l’UMP,comme un vulgaire Duchêne, ce qui est méritoire, et rejoindre bravement le MODEM qui est très ouvert, paraît-il, et plein d’écologistes. Les Verts, qui sont généralement des gens sympathiques,souffrent, me semble-t-il, d’un problème d’inconsistance politique propre aux classes moyennes dont, pour la plupart, ils sont issus. Ce qui permet à leurs dirigeants, qui sont rarement desperdreaux de l’année, du moins ceux qui comptent, mais sont incapables de gagner une grande mairie par leurs propres moyens, de pratiquer impunément la tactique du coucou. Cela consiste àpondre ses œufs dans une municipalité bien ancrée à gauche, communiste ou apparentée, cela va desoi, avec la bénédiction plus ou moins discrète du parti socialiste. Le calcul est simple: en cas de second tour, le « Vert » pourra bénéficier sans scrupule particulier des voix de droite subitementconverties en celles d’écologistes responsables! En foi de quoi, Voynet, fraîchement élue àMontreuil, a pu vertement répondre à J.-P. Brard qui lui faisait remarquer les conditions de son élection: « je t’emmerde ! ». Le cynisme politicien, c’est un métier!
4 septembre 2008