Qu'est-ce que la conscience phonologique?

La critique de Laurent Mouloud visant l' « étiquetage » ministériel des comportements (« respect de l'autre », « contrôle des émotions »...) est parfaitement pertinente. Lorsqu'il y amalgame la « conscience phonologique », il se décrédibilise. En ironisant sur la conscience phonologique, je le cite, « des enfants âgés, rappelons-le, d'environ cinq ans », il montre simplement qu'il ignore ce dont il s'agit.

Oui, c'est bien vers cinq ans que commence à se structurer cette compétence langagière dont on sait, avec deux autres dont je parlerai plus loin, qu'elle est déterminante pour l'apprentissage de la lecture. L'école maternelle se doit de veiller à son acquisition. Cela commence, par exemple, par la décomposition d'un mot en syllabe : /po-ti-ron/, puis par faire entendre que deux mots peuvent « finir pareil » : /potiron/-/citron/, ou « commencer pareil » : /potiron/-/police/,etc. Jusqu'à la discrimination des phonèmes : potiron et pivoine commence par [p], salade et serpent par [s], etc. Cette démarche est d'ailleurs connue et l'école maternelle l'utilise depuis longtemps plus ou moins empiriquement. Il s'agit aujourd'hui de la rationaliser. La recherche a montré, depuis une vingtaine d'années, que si cette compétence est bien acquise en fin de maternelle, l'apprentissage de la lecture se fera sans problème ; ce qui ne signifie pas que sa non acquisition complète signifiera fatalement l'échec, l'acquisition pouvant se poursuivre en CP.

Deux autres compétences sont à travailler : l'étendue du lexique mental (la richesse du vocabulaire, si l'on veut) et la rapidité de dénomination (c'est-à-dire, expérimentalement, la rapidité avec laquelle l'enfant peut retrouver dans son lexique mental la représentation phonologique (le mot oralisé) d'un objet (connu) dont on lui présente l'image).

Ces rapides considérations ne sont pas seulement affaire de psycho-pédagogues mais doivent être au moins connues d'une structure comme le Réseau Ecole ce qui éviterait quelques sottises comme celle de Laurent Mouloud ou cette « tribune libre » dans l'Huma, il y a quelque temps, qui vantait les joies de la « méthode syllabique ». Stéphane Bonnery sait évidemment tout cela, il pourrait en faire bénéficier les camarades. Il a montré d'ailleurs pour sa part comment l'échec des enfants des classes populaires se construit dans les situations pédagogiques elles-mêmes (Comprendre l'échec scolaire, La Dispute, 2007).

Je ne connais pas exactement les objectifs du Réseau Ecole mais il me semble que la prise en compte des acquis de la recherche en psychologie et en psycho-pédagogie devrait donner justesse, consistance et autorité à ses interventions lesquelles ne devraient pas se borner à reprendre des revendications syndicales certes légitimes mais qui ont d'autres lieux d'élaboration.