Les fondamentaux du sarkozysme II
Le principe fondateur du sarkozysme est donc l’organisation systématique du pouvoir des dominants, la grande bourgeoisie, la haute finance, avec, en particulier, la représentation politique directe des gros possédants par toute une valetaille politicienne avide de prébendes et de gratifications symboliques. Le seul fondement théorique possible en est le commode dogme libéral selon lequel seuls les riches peuvent produire des richesses parce qu’ils en ont déjà... Quand on pense que, depuis deux siècles, cette invraisemblable tautologie fait toujours recette -si je puis dire- et passe pour de la science économique! L’enrichissement des riches est seul à même de nourrir les pauvres, supprimez les riches et ce sera la misère générale, disait déjà Adolphe Thiers au XIXème siècle.
Il va de soi que, normalement, le possédant capitaliste doit s’approprier seul les richesses produites et en disposer au mieux de ses intérêts assimilés à ceux de la société en général. Toute forme de redistribution organisée, par l’Etat en particulier, est forcément réputée spoliatrice et illégitime. Il y a ainsi deux monstres contre lesquels les libéraux ne cessent farouchement de ferrailler : les impôts et les salaires. Pour les premiers, on a vu que, dès son élection, Sarkozy s’est efforcé, en première urgence, de donner toute satisfaction. Pour les seconds, la lutte continue et la « crise » (qu’ils ont provoquée) conduit, plus que jamais, les possédants à exiger le blocage ou la baisse (la « rigueur ») de ces rémunérations de survie concédées déjà avec réticences à des salariés gloutons, jamais contents de leur sort, et qui devraient se rendre compte à quel point le « coût du travail » qu’ils représentent nuit aux intérêts de leurs exploiteurs et donc à l’intérêt général.
Ajoutons que le dogme prescrit, bien entendu, que seuls les possédants sont à même de juger du meilleur usage à faire des richesses produites (par leurs salariés). Il y a en particulier une façade démocratique à maintenir, d’où la nécessité d’entretenir et subventionner un personnel politique, comme indiqué plus haut et comme le dévoilent crûment les bonnes œuvres de Mme Bettencourt. Il faut bien reconnaître que l’investissement Sarkozy est ici une réussite. Quant à la fable selon laquelle les profits réalisés permettraient de générer des emplois et du mieux-être pour l’ensemble de la société, quelle duperie! On annonce que les profits du CAC 40 ont bondi de 85%, soit plus de 40 milliards de mieux et le chômage est toujours à 10%. Mais, nous dit doctement le Monde(03.09.2010), cela donne « un pouvoir d’achat élevé (à) leurs cadres supérieurs travaillant en France »! Ce qui nous ramène à la vieille doctrine mandevilienne du XVIIIème siècle où ce sont les folles consommations des riches qui doivent faire le bonheur des pauvres. Que voulez-vous, il faut bien justifier l’usage discrétionnaire par les possédants des richesses détournées du bien commun.
Le premier pilier du sarkozysme étant le service des dominants, le second va concerner logiquement les dominés dont il va s’agir d’obtenir et de maintenir la soumission, par le consentement ou la répression, en utilisant tous les moyens de la violence symbolique et, de plus en plus, de la violence physique. Un de ces moyens les plus importants est la démagogie sécuritaire. Parler de « surenchère », comme l’a titré le Monde ou de « glissement » et de « dérive » sécuritaires, comme l’a fait l’Humanité (qui a par ailleurs produit d’excellents éditoriaux sur le sujet) est une grave erreur d’analyse. Ces clichés journalistiques n’ont d’autre effet que d’euphémiser la gravité d’une stratégie délibérée, élaborée de longue date et que Sarkozy ne fait que porter à l’incandescence. J’ai, pour ma part, précédemment parlé de « compulsion sécuritaire », utilisant un terme de psychologie désignant une contrainte interne, pour bien marquer que l’idéologie sécuritaire est dans l’essence même du sarkozysme. Le sociologue Laurent Mucchielli rappelle (l’Humanité, 30.08.2010) que le thème de « l’insécurité » pervertit le débat politique depuis les années 80, or c’est bien à ce moment-là que se mettent en place les politiques économiques néo-libérales. C’est évidemment tout sauf une innocente coïncidence! (à suivre).
6 septembre 2010