De si bons patrons...
On se rappelle sans doute le propos crapuleux du dénommé Wauquiez, un ponte de l'UMP, sur le « cancer de l'assistanat ». Dans le même registre, la peste de la fraude fiscale lui a curieusement échappé ! La notion d'assistanat est en fait une pure invention des libéraux qui n'ont jamais pu admettre que les aléas de la vie des pauvres, chômage, maladie, accident du travail, vieillesse soient indemnisés ou pris en charge solidairement. La loi de la jungle libérale impose de s'en tirer individuellement, au besoin aux dépens des autres, et malheur aux dominés ! Ils l'ont bien mérité... La vitupération des pauvres est une constante du libéralisme, elle a atteint au XIXème siècle des sommets que l'on retrouve souvent aujourd'hui. L'Anglais Cameron parle des « scroungers » qui vivraient aux crochets de la société car la théorie veut que les pauvres, par un calcul rationnel autant que cynique, se précipiteraient goulûment sur les moindres aides ou subsides sociaux...
Or, c'est faux ! 68% des personnes qui pourraient prétendre au RSA ne le demandent pas. Ce qui représente une « économie » de plusieurs milliards. Comme le dit le sociologue Richard Detyre, « non, les gens ne font pas tout pour toucher le maximum d'aides » (l'Humanité, 06.05.2013). Au rayon des idées reçues, la stigmatisation des pauvres est permanente avec, par exemple, la fable selon laquelle on peut vivre confortablement avec seulement les diverses allocations sociales. Ou le mensonge sur l'indemnisation des chômeurs qui serait en France particulièrement « généreuse ». C'est faux : la France est dans la moyenne des pays européens. Comme Juppé en son temps, on sort régulièrement du chapeau la « fraude sociale »... Sauf que, outre le fait qu'elle est infime par rapport à la fraude fiscale, on s'est aperçu qu'elle venait pour l'essentiel des... patrons lesquels trichent régulièrement sur les cotisations sociales.
Les inégalités explosent, la gêne et la précarité s'étendent dans les classes populaires, 120 millions d'Européens, selon Eurostat, voient surgir la pauvreté et l'exclusion sociale... et les possédants se plaignent qu'on leur prend trop d'argent avec leurs ritournelles outrancières sur un prétendu « impôt confiscatoire » qu'ils réussissent le plus souvent à abaisser voire à contourner par toutes sortes de manœuvres légales ou illégales. Comme l'écrivait ironiquement Thibaut Gajdos, chroniqueur du Monde, « Pauvres riches ! Les plus riches, voyez-vous, se sentent mal aimés, méprisés et surtout spoliés par un Etat prédateur. Est-ce grave ? Mais oui. Oh, ce n'est pas tant pour eux, non, mais pour les pauvres, les chômeurs, les classes laborieuses... » (17.05.2013).
Ainsi on n'a pas été assez attentif à un « Appel » sidérant d'arrogance et de cynisme intitulé « Nous sommes les 1% » paru dans le journal le Monde : « Nous faisons partie du 1% détesté par l'opinion, de ceux qui ont les rémunérations les plus élevées parce qu'ils comprennent les rouages de nos économies globalisées et savent les utiliser à leur avantage ou à celui de leur employeur (…). Nous nous enrichissons au détriment du produit intérieur brut de nos patries car c'est mathématiquement la meilleure façon de le faire à cause de l'inepte tissu de lois qui nous y incite ». Et ils s'en vantent ! C'est dire l'état d'abandon dans lequel « l'élite » du fric a plongé la morale citoyenne de ce pays. Mais c'est qu'ils ont des propositions : supprimer l'impôt sur le revenu, celui sur les salaires pour mieux justifier la suppression de celui sur le capital. Ils reprennent la distinction spécieuse entre « investissement créateur de valeur » (la production) qui serait détaxé et « investissement prédateur de valeur » (la spéculation) qui resterait imposé. Comme s'ils n'étaient pas bien placés pour savoir qu'il y a dans les banques une osmose complète entre les deux types de capitaux, le gouvernement a renoncé à les distinguer et Moscovici prétend même que la spéculation est productrice de richesses ! Mais là où nos trop habiles compères nous prennent pour des imbéciles, c'est quand ils proposent de remplacer l'impôt sur le revenu par une « taxation de la consommation » (comme si elle n'existait pas!) : on sait qu'une partie des classes populaires ne paye pas d'impôt sur un revenu trop indigent pour ce faire, elle ne gagnerait rien à cette suppression mais par contre paierait plein pot à la consommation... Ah les braves gens !
Il faut ce qu'il faut car il y a urgence ainsi qu'en témoigne ce cri d'alarme poignant lancé par les Echos (02.05/2013) : « Les salaires des patrons du CAC 40 écornés par la crise » !
25 juin 2013