L'esprit du macronisme (III)

 

Le bourgeois macronien déteste les enfants des pauvres. D'ailleurs, pour plusieurs commentaires (voir chroniques précédentes) ce ne sont pas des enfants mais des « lardons », des « mouflets », une « progéniture », une « smala » que des inconscients « pondent » sans s'arrêter. L'humanisme du lecteur du Monde a ses limites et, vraiment, « marre des gens qui pondent des gosses comme des lapins sans réfléchir ». Il faut bien le dire on a ici affaire à un déchaînement d'agressions verbales où le vulgaire le dispute à l'odieux, une stigmatisation haineuse et ricanante de ces gens qui « ont fait leurs gosses comme on va au MacDo ». Pire : « mieux vaut éviter d'avoir quatre enfants quand on n'a pas une thune... Quatre enfants avec un seul salaire, c'est de l'inconscience... Pourquoi avoir quatre enfants quand on ne peut pas les élever... Quatre enfants, je leur en conseille un de plus pour s'enfoncer encore plus dans la misère... Quand on est dans une situation financière délicate, on n'est pas obligé d'avoir quatre enfants, ça coûte cher les enfants », etc., etc. Une vraie litanie, jusqu'à cette élégante appréciation : « Deux détronchés... Et quatre futurs détronchés » (sic). Bien entendu, « ils font des enfants pour toucher des allocs, pour consommer. Voilà où ce système d'allocations familiales nous a mené ».

Dire que cette prose suscite un certain écoeurement est faible. Mais, on va le voir, il y a pire. Notons auparavant la curieuse conception macronienne de la démographie selon laquelle, finalement, le nombre d'enfants, dans une famille, devrait être proportionnel au revenu. Il faut être riche pour avoir des enfants ! La conclusion va de soi : pour parvenir à l'extinction du paupérisme, il suffirait d'interdire aux pauvres de se reproduire. Au XIXème siècle, cet objectif a été pris au sérieux sous le nom d'eugénisme et même, au XXème siècle, des stérilisations de masse de populations « déshéritées » ont été pratiquées aux Etats-Unis, en Suède, etc. Le bourgeois macronien n'y songe peut-être pas encore, il lui reste le vieux fantasme bourgeois repéré par Michel Foucault dans Surveiller et punir : le contrôle de la sexualité des pauvres. C'est ici que le lecteur du Monde, réputé raffiné et courtois, va se vautrer dans l'obscénité et la bassesse. Les plus aimables enjoignent au jeune couple -de quel droit?- de s'informer sur la contraception et de consulter au planing familial. Un ton en dessous, on recommande l'usage des préservatifs qui « sont remboursés par la Sécu ». Et puis « la pilule, ça existe » et « l'IVG n'est pas illégale ». Sans doute « la dame ne comprend pas la contraception » et il faut « offrir aux intéressés une boîte de pilules contraceptives pour madame ou de préservatifs pour monsieur entièrement pris en charge par vous et moi » (?). Encore plus bas, un prescripteur éclairé conseille : « une ligature des trompes pour madame et une vasectomie pour monsieur seraient nécessaires ». On n'est plus très loin de la stérilisation évoquée plus haut. Mais on va toucher le fond. L'un se demande si Macron devrait « se rendre chaque jour à Sens (où habite la famille) pour veiller à ce que Jessica prenne bien sa pilule ». Un autre se propose de « distribuer des capotes au prochain rond-point ». Jusqu'à l'abjection : « ils devraient b... avec plus de discernement » et Arnaud « ne devrait pas enfiler un gilet jaune mais des capotes... des jaunes » ou « faire un nœud à sa bite ». Et ces infamies -permises par l'anonymat : le bourgeois macronien est prudent- ont été jugées publiables par le modérateur du site lemonde.fr ! Cela révèle le peu de considération accordé aux victimes de ces insultes.

A part ça, le bourgeois macronien aime se présenter comme un modèle de vertu civique, sociale et humaine. Il ne supporte pas qu'une famille pauvre puisse disposer de deux forfaits téléphoniques et prétende acheter des « vêtements de marque » à ses enfants. Alors, il se donne en exemple : « Moi mon forfait est 11,99€... Moi je paye 10€... Moi je n'ai pas le dernier smartphone à la mode... » Ces gueux ont certainement « un téléphone haut de gamme, marqueur d'un statut social qu'ils n'ont pas ». Et « je n'achète jamais de marques à mes enfants ados. Ils en sont fiers... Mes trois enfants n'ont pas porté de vêtements de marque, ils n'en ont pas été traumatisés... Les habits de marque ne sont pas possibles quand on n'a pas les moyens. Il faut l'entendre... Je n'ai pas eu de vêtements de marque, j'ai fini d'user ceux de mes soeurs », etc. C'est ainsi que les opulents bourgeois macroniens osent faire la morale aux démunis, les vouant à l'austérité et l'abstinence.

 

NIR 223. 18 mars 2019.