Austérité, catéchisme, expiation

On ne le remarque pas assez mais tous ces prêcheurs de « rigueur » et d' « austérité », doctes, solennels ou patelins, sont ceux qui en souffriront le moins voire pas du tout. Apparatchiks de l'UMP, économistes officiels ou grands patrons, aucun ne songera, par exemple, à moins bien se soigner et les « sacrifices » qu'ils exhortent les autres à faire seront bien légers pour eux-mêmes. Voilà qui aide tout de même à se forger une conviction et surtout permet d'éviter de s'interroger sur les causes réelles d'une situation que l'on fait semblant de déplorer. Et l'on se donne le beau rôle du sauveur courageux qui saura « mettre les mains dans le cambouis » quitte à être « impopulaire ».

Sauf que la vérité est ailleurs et qu'il est indigne de vouloir, en toute connaissance de cause, faire prendre les symptômes d'un état de fait pour ses causes. Prenons le symptôme « dette publique » : il n'est en aucune façon cause de la « crise » mais bien conséquence de 40 ans de contre-révolution reagano-thatchérienne introduite en France, en 1983, par un gouvernement social-démocrate et célébrée par des crétins irresponsables « de gauche » s'époumonant à crier « Vive la crise ! » C'était le beau temps de la glorification de l'économie de marché, dérégulation, privatisation, fric...

Cela fait 40 ans que l'on vit dans ce système que l'on dit intangible et auquel il faudrait à toute force s'adapter. Revisitons donc ce catéchisme nécessaire : « moderniser l'Etat qui doit (...) déléguer davantage de prérogatives au privé » ; « flexibiliser le marché du travail afin de favoriser la relance de l'économie sur des bases compétitives » ; « ne pas tomber dans le piège d'une augmentation des prélèvements sur les entreprises et les haut revenus, cela nuirait à la compétitivité, (...) à l'investissement et donc à l'emploi » ; « les hausse éventuelles d'impôt doivent concerner les impôts indirects, comme la TVA, qui permettent de répartir l'effort fiscal sur l'ensemble de la société et pas sur ses éléments les plus dynamiques (sic) » ; « diminuer drastiquement les dépenses publiques et accélérer les privatisations des services publics (parce que), cela va de soi, ce sont les dépenses publiques, trop importantes et inefficaces, qui sont responsables de la crise de la dette » (voir l'excellent site www. dessousdebruxelles.ellyn.fr.) Voilà ! Ce mélange de cynisme et de fumisterie nous est servi depuis quatre décennies et il ne viendrait à l'idée d'aucun de nos dispensateurs de pénitences de s'interroger sur la pertinence et la pérennité de cette doxa.

Pire, il existe des idéologues médiatiques, adorateurs inconditionnels du « marché », qui viennent donner au petit peuple des leçons de morale et lui dispenser des conseils de « rigueur ». On connait sans doute le dénommé Barbier, il sévit à l'Express et colonise les plateaux de télévision, en dandy arborant gracieusement une écharpe rouge (comme antisymbole sans doute, mais c'est d'un chic, ma chère...). Du haut de son confort matériel et intellectuel le voilà qui se fait expert en expiation et distribue généreusement -au nom de quelle légitimité, on se le demande- châtiments et pain sec. Citons : puisqu'on ne peut pas supprimer les 35 heures, « l'esprit RTT étant inscrit dans les mentalités (fainéants de salariés!), supprimons la cinquième semaine de congés payés (...) ; sa suppression sera la rançon salutaire des Trente Piteuses » (expiez, on vous dit ! vile multitude) ; « consacrer moins d 'argent aux loisirs, à la santé, à l'alimentation ou aux vêtements. Le nécessaire doit reprendre la main sur le superflu après des années de culture de la distraction » (repentez-vous jouisseurs avilis par la « distraction » : comment M. Barbier ressuscite le pétainisme!) ; « retrouver les vertus de la solidarité familiale »...

Mais pour qui donc parle cet arrogant personnage ? Comment peut-il feindre à ce point d'ignorer ce qui est déjà non pas le choix mais l'obligation de la grande majorité des salariés de ce pays ? Méprisable ! Au Moyen-Age, le barbier était aussi un pseudo médecin expert en remèdes de charlatan. La descendance est là !

21 novembre 2011