Contre-révolution ultralibérale et biopouvoir. Restaurer l'ordre moral, assurer l'ordre social
L’ère de la souveraineté.
Analysant les formes historiques du pouvoir, fondements et technologies, Michel Foucault distingue d’abord le pouvoir fondé sur la théorie classique de la souveraineté. La caractéristique en est le droit de vie et de mort du souverain, issu du droit romain qui donne au pater familias le droit de disposer de la vie de ses esclaves comme des ses enfants. En fait les théoriciens classiques en atténuaient la portée en le conditionnant à la défense du souverain pour sa survie propre. Le pouvoir va s’exercer essentiellement comme une instance de prélèvement, droit de s’approprier une part des richesses, extorsion de biens, de travail, de sang imposée aux sujets. Le pouvoir est avant tout droit de prise, jusque sur la vie dont le souverain pouvait s’emparer pour la supprimer (1).
Ces mécanismes de pouvoir évoluent et le droit de mort du souverain devient droit pour le corps social d’assurer sa vie et de la maintenir. D’où les guerres: on dresse des populations entières à s’entre-tuer au nom de la nécessité pour elles de vivre; le principe pouvoir tuer pour pouvoir vivre est devenu principe de stratégie inter-étatique. Selon Foucault, la situation atomique est ainsi le pouvoir d’exposer une population entière à une mort collective comme pouvoir de garantir à une autre sa sauvegarde. Ce n’est plus l’existence juridique du souverain qui est en jeu mais celle,biologique, de la population. Le pouvoir se situe et s’exerce au niveau de l’espèce, de la race, des phénomènes massifs de population. On entre dans l’ère du bio-pouvoir.
En effet, le pouvoir fondé sur la souveraineté n’a pas de prise sur le corps économique et social en voie d’expansion démographique et d’industrialisation. Une double accommodation est nécessaire (2). Une première accommodation va consister en mécanismes de pouvoir sur le corps individuel par la surveillance, le dressage, les disciplines, dans le cadre d’institutions telles que l’école, l’hôpital, l’atelier, la caserne, la prison. Une deuxième accommodation, plus tardive et plus difficile, apparaît à la fin du XVIIIème siècle et va porter sur les phénomènes globaux de population, autrement dit les processus biologiques ou bio-sociologiques des masses humaines. L’Etat met en place des organes de coordination et de centralisation, les préoccupations portent sur la natalité, la mortalité, la longévité, la morbidité, l’habitat, des savoirs démographiques et hygiénistes prescriptifs se constituent. Le pouvoir, au-delà des corps qu’il faut discipliner, s’inquiète de la population qu’il faut régulariser.
L’ère de la discipline.
En fait, les normes de la régularisation de la population viendront compléter les normes de la discipline des corps déjà bien en place. La discipline est « un type de pouvoir, une modalité pour l’exercer, comportant tout un ensemble d’instruments, de techniques, de procédés, de niveaux d’application, de cibles » (3). Dans le droit monarchique, la punition doit être un cérémonial exemplaire inspirant un effet de terreur par les marques rituelles de la vengeance appliquées au corps du condamné. C’est ce que Foucault appelle « l’éclat des supplices » et le martyre du régicide Damiens en est l’archétype. Mais au cours du XVIIIème siècle vont se constituer de nouvelles technologies du pouvoir de punir. Dans la mesure où l’on va considérer que l’infraction oppose le criminel au corps social tout entier et non plus au seul souverain, le droit de punir est déplacé de la vengeance du souverain à la défense du corps social. Au cours de l’âge classique, le corps est découvert comme objet et cible du pouvoir; il peut être utilisable à condition d’être soumis, docile. Les disciplines seront les formules générales de domination et les méthodes de coercition permettant le contrôle des opérations du corps et l’assujettissement de ses forces. Il s’agit d’imposer un rapport de docilité/utilité, l’objectif de cette « mécanique » du pouvoir est de majorer les forces du corps dans un but économique d’utilité et de diminuer ces mêmes forces dans un but politique d’obéissance.
Les techniques de soumission des corps dociles se sophistiquent. On y trouve la répartition précise des individus dans l’espace par la clôture, dans les internats de collège, la caserne, la manufacture sans parler du grand renfermement des vagabonds et autres misérables (le fou, le condamné...). L’espace est quadrillé à la manière de la conception cellulaire des couvents, chacun à sa place mais sur des emplacements fonctionnels de façon à être utilisable. Les individus sont interchangeables et ne se caractérisent que par le rang, la place, au sens de localisation dans un espace quasi géométriquement agencé. La classe des collèges jésuites est ici exemplaire d’un espace scolaire dont nous avons hérité et qui, autant que machine à apprendre, est, jusqu’à aujourd’hui, machine à surveiller, hiérarchiser, récompenser et punir. La discipline, c’est aussi le contrôle de l’activité par l’invention de l’emploi du temps (là aussi sur le modèle monastique); c’est la mise en relation optimale du corps et du geste pour une utilisation rationnelle et exhaustive. Ce que Foucault appelle organisation des genèses est très caractéristique de ce rationalisme utilitaire. On y trouve, par exemple, la méthode d’apprentissage de la lecture dont rêve l’ex-ministre de Robien: sept niveaux sont définis, du premier pour ceux qui apprennent les lettres au septième pour ceux qui lisent les manuscrits en passant par ceux qui apprennent à épeler, ceux qui apprennent à joindre les syllabes, ceux qui lisent le latin par phrase, ceux qui commencent à lire le français, ceux qui sont les plus capables pour la lecture! (4).
Restent les moyens du bon « dressement ». Il y en a trois. La surveillance hiérarchique est primordiale et s’exerce là aussi par un aménagement de l’espace: dans les internats, la salle à manger comporte une estrade pour les tables des inspecteurs des études. Les latrines n’ont qu’une demi porte pour que le surveillant puisse voir tête et jambes mais les séparations latérales sont élevées pour que les élèves ne puissent pas se voir entre eux. Des personnels spécialisés sont formés pour surveiller et contrôler les ouvriers à la manufacture ou les élèves à l’école (moniteurs, répétiteurs, sous-maîtres, récitateurs de prières, receveurs d’encre!...). L’idéal, c’est le panoptismequi permet de tout voir d’un seul regard en permanence, d’autant plus que « celui qui est soumis à un champ de visibilité, et qui le sait, reprend à son compte les contraintes du pouvoir; il les fait jouer spontanément sur lui-même (...), il devient le principe de son propre assujettissement » (5). Autre moyen, la sanction normalisatrice: à l’atelier, à l’école, à l’armée, on institue toute une « micro pénalité », sur le temps (retards, absences, interruptions de tâches), l’activité (inattention, négligence, manque de zèle), la manière d’être (impolitesse, désobéissance), les discours (bavardage, insolence), le corps (attitudes et gestes « incorrects », malpropreté), la sexualité (immodestie, indécence). C’est toute une pénalisation perpétuelle qui compare, hiérarchise, homogénéise, exclut, en un mot normalise. A travers la discipline apparaît le pouvoir de la norme, et, à la fin de l’âge classique, la normalisation devient un des grands instruments du pouvoir. Dernier moyen, l’examen qui combine les techniques de la hiérarchie qui surveille et celles de la sanction qui normalise. Il s’agit de qualifier, classer, punir, il y a ici un héritage qui empoisonne encore tout notre système éducatif où l’on passe presque autant de temps à évaluer les connaissances des élèves (notes, contrôles, examens, classements, concours...) qu’à les leur faire acquérir.
L’ère du bio-pouvoir.
L’organisation du pouvoir sur la vie s’est donc d’abord centrée sur le corps individuel comme machine à dresser (docilité) pour l’extorsion de ses forces (utilité), ce qui caractérise les disciplines: Michel Foucault parle d’anatamo-politique du corps humain. A la fin du XVIIIème siècle et durant le XIXème, les procédures de pouvoir se centrent sur le « corps-espèce » en tant que mécanique du vivant et support des processus biologiques (naissance, mort, maladie, durée de vie). Dans le champ politique apparaissent des préoccupations concernant la natalité, la longévité, la santé publique l’habitat, les migrations et la nécessité de contrôles régulateurs. Foucault parle ici debio-politique de la population. La bio-politique sera la prise en considération de phénomènes collectifs aléatoires et imprévisibles et la mise en place d’estimations statistiques, de mécanismes régulateurs, de mécanismes de sécurité pour baisser la morbidité, allonger la vie, stimuler la natalité, assurer la sécurité. Ce sont des procédures de pouvoir comme l’histoire de l’hygiénisme au XIXème siècle en témoigne; l’hygiène est préconisée comme remède à la pathologie sociale: « l’hygiène est souveraine contre les vices de l’âme... Un peuple ami de la propreté l’est bientôt de l’ordre et de la discipline » (6).
La discipline, au sens de Foucault, est une prise de pouvoir sur le corps sur le mode de l’individualisation, elle régit la multiplicité des individus en tant que corps individuels à surveiller, à dresser, à utiliser et éventuellement à punir. Le bio-pouvoir est une prise de pouvoir massifiante elle ne concerne ni l’individu-corps, ni même le corps social juridiquement défini mais la « population » en tant que masse globale, une masse vivante dont il s’agit de contrôler les conduites hasardeuses, les comportements erratiques, les débordements pulsionnels. Les corps sont replacés dans des processus biologiques d’ensemble soumis à des dangers internes que l’on va prévenir par des mécanismes régularisateurs, par exemple toute une technologie de sécurité à mettre en œuvre par la surveillance et le quadrillage des populations et des territoires. Il ne s’agit pas de s’interroger pour savoir si cela constitue ou non un progrès mais d’en examiner le fonctionnement comme instruments de domination. Les technologies d’anatomo et de bio-politique « ont opéré comme facteurs de ségrégation et de hiérarchisation sociale (...), garantissant des rapports de domination et des effets d’hégémonie » (7).
Bien entendu cette nouvelle technologie du pouvoir intègre les techniques disciplinaires. Foucault prend l’exemple de la cité ouvrière (8). Les mécanismes de contrôle sur les corps sont présents par le quadrillage, le découpage même de la cité et la localisation des familles, une par maison. Le découpage, par la mise en visibilité des individus, permet la normalisation des conduites, une sorte de contrôle policier spontané par la disposition spatiale même. Les mécanismes régularisateurs sur la population en tant que telle sont présents par la surveillance de l’hygiène des familles, des soins apportés aux enfants, de la scolarité, par la recommandation de conduites d’épargne (on connaît, n’est-ce pas, la fatale imprévoyance des pauvres), sans parler des pressions sur la sexualité donc la procréation (la dépravation sexuelle présumée des pauvres a toujours été une curieuse obsession chez des dominants dont la propre pureté des mœurs ne saurait évidemment être soupçonnée). On peut enfin se demander si « l’hygiénisme architectural abstrait » (9) désastreux qui a été celui de la conception des grands ensembles après la seconde guerre mondiale ne relevait pas des mêmes intentions.
Selon Foucault, le bio-pouvoir a été, à n’en pas douter, un élément indispensable au développement du capitalisme. Celui-ci n’a pu être assuré qu’au prix de l’insertion contrôlé des corps dans l’appareil de production d’une part (discipline: la chaîne fordiste, par exemple) et moyennant un ajustement des phénomènes de population aux processus économiques (bio-pouvoir: l’immigration, par exemple) d’autre part: « l’ajustement de l’accumulation des hommes sur celle du capital, l’articulation de la croissance des groupes humains sur l’expansion des forces productives et la répartition différentielle du profit ont été, pour une part, rendus possibles par l’exercice du bio- pouvoir sous ses formes et avec ses procédés multiples » (10). Foucault note toutefois que les théoriciens du socialisme, pour leur part, n’ont pas « réestimé » ou ont admis comme allant de soi les mécanismes de bio-pouvoir et ceux-ci ont beaucoup sévi dans la malheureuse expérience soviétique. Pour Foucault, cependant, le modèle du bio-pouvoir, c’est le racisme. Le bio-pouvoir inscrit le racisme dans les mécanismes de l’Etat. La hiérarchisation des « races », la stigmatisation d’espèces inférieures supposent leur élimination comme danger biologique de dégénérescence ou d’anormalité pour une population donnée. C’est un mécanisme de bio-pouvoir qui légitime le meurtre d’Etat, meurtre direct comme dans le génocide colonisateur, meurtre indirect comme la mort sociale, l’exclusion, le rejet, l’expulsion. Pour Foucault, le racisme assure la fonction de mort dans l’économie du bio-pouvoir, selon le principe que la mort des autres c’est le renforcement biologique de soi- même en tant que l’on est membre d’une « race » ou d’une population (11). On peut illustrer ce propos par la récente promotion de l‘« identité nationale », qui, sans aller jusqu’à l’élimination physique (pour le moment la brutalité des expulsions suffit), se pose clairement face au danger que représenterait l’immigration.
La contre-révolution ultralibérale et le meilleur des mondes.
La contre-révolution ultralibérale, initiée aux Etats-Unis sous la présidence Reagan, triomphe aujourd’hui en France. On en connaît la doxa, le docte discours « expert » sur l’obligation de la
« compétitivité » et le prêche moralisateur sur la nécessité des « réformes » pour « s’adapter à la mondialisation » comme « l’ont fait tous nos voisins ». Il s’agit en fait, on le sait, de faire entrer toute la réalité sociale dans le lit de Procuste du modèle marchand, le « marché » étant définitivement naturalisé comme horizon indépassable de notre temps. Pour reprendre une formule du secrétaire de la CGT Bernard Thibaut, c’est bien le monde des affaires qui conduit les affaires du monde. Plus précisément la « mondialisation » profite à une mince classe dirigeante, effectivement planétaire, une oligarchie prédatrice qui n’a d’autre ressort que la cupidité et d’autre idéologie que la préservation de ses positions acquises ou héritées. Le monde est ainsi aux mains d’une véritable ploutocratie, un gouvernement des hyper-riches assuré d’une domination dont on a quotidiennement des témoignages (12). Les inégalités ne sont pas seulement jugées inéluctables, leur accentuation est considérée comme indispensable à la production et à l’accroissement des « richesses » et des biens. La croissance matérielle ininterrompue est censée assurer le bonheur de l’humanité en général et la prodigalité des riches celui des pauvres en particulier.
Toutefois, l’énormité des inégalités générées par l’ultra-capitalisme actionnarial, leur amplification inexorable sont grosses d’un considérable potentiel d’inévitables dysfonctionnements sociaux accablant les classes populaires et risquant conduire à diverse formes de troubles civils et de désordres politiques. Les revendications des opprimés et des exploités s’expriment dans le cadre des luttes collectives menées par leurs organisations syndicales et politiques, mais l’abaissement du système de valeurs et des structures organisationnelles de la culture ouvrière a produit des effets inattendus. La souffrance sociale n’a pas diminué, bien au contraire, mais elle ne trouve plus le lieu où formuler ses doléances, d’où la prolifération de rébellions individuelles, de frondes particularistes ou de contestations parcellaires, telles les « émeutes » de novembre 2005 en France qualifiées de manière particulièrement pertinente par le sociologue Gérard Mauger de « révolte proto-politique ». Le problème pour le pouvoir est que ces mouvements sont incontrôlés, donc imprévisibles, aléatoires, explosifs, sans autres motifs que la désespérance, la rage et l’exaspération sans débouché politique, soit que celui-ci ne parvienne pas à ses destinataires, soit qu’il soit inadéquat ou inaudible. Ces phénomènes sont difficiles à maîtriser pour l’ordre ultra-libéral et la solution va résider dans la systématisation de la répression préventive qui nécessite un dispositif généralisé de surveillance et de quadrillage des populations et des territoires. C’est ainsi que l’idéologie sécuritaire s’est développée en même temps que la montée de l’emprise ultra-libérale.
L’Etat social (caricaturé en « Etat-providence »), assurant une relative redistribution, une certaine protection sociale et des garanties réglementaires contre les abus de l’exploitation est peu à peu démantelé (c’est l’objectif des « réformes »), tandis que l’Etat pénal, répressif et punitif, est renforcé et ses fameuses fonctions régaliennes célébrées: une police toute puissante, une armée disciplinée, une justice aux ordres. On assiste à une véritable criminalisation de la pauvreté (13) et l’on considérera, par exemple, très officiellement, que la faible scolarité des parents et un revenu familial réduit constituent des risques avérés de délinquance pour l’enfant. Et on connaît la prédilection de la répression de type sarkozyste pour la chasse à l’enfant: rafles des enfants de sans papiers à l’école, traque de présumés prédélinquants dès la maternelle. On a affaire à une véritable exacerbation du bio-pouvoir tel que l’a conceptualisé Michel Foucault dont les analyses nous sont ici précieuses: toute la technologie de contrôle et d’encadrement des masses qu’il a commencé à décrire s’est, depuis trente ans, enrichie de techniques de plus en plus sophistiquées et parfois brutales qui concernent tous les domaines de la vie sociale. Nous souhaiterions, à L’ORMEE, au moins dans le champ qui est le nôtre, donner la parole à ceux qui, dans leur spécialité, peuvent en observer ou en subir les manifestations.
La restauration de l’ordre moral est une des technologies du bio-pouvoir. Elle apparaît, bien sûr, dans les tentatives de limiter la liberté de création artistique et d’en judiciariser l’expression, comme on l’a vu à propos de l’exposition du CAPC, Présumés innocents (14). La promotion ministérielle de Mme Christine Boutin, quel que soit le poste, est ici un gage significatif. L’ordre moral prétend aussi se fonder « scientifiquement » quand le candidat Sarkozy invente un gène de l’homosexualité, un gène du suicide, un gène de la pédophilie, le tout bien amalgamé. Vieux fantasme des dominants, en plus, que fonder une hiérarchie sociale sur de prétendues inégalités biologiques. Le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) est fait pour ça. Initialement conçu pour recenser les auteurs d’infractions sexuelles, il a été élargi à 137 infractions , dont les tags ou la dégradation de cultures d’OGM mais, comme c’est bizarre, pas au délit d’initié, à la fraude fiscale ou à l’abus de biens sociaux. Il concerne aujourd’hui 283 000 personnes dont 163 000 seulement « soupçonnées » (15). Car il suffit d’un soupçon d’infraction pour être fiché, même après avoir été mis hors de cause. Le fichage génétique est une technique de bio-pouvoir que Michel Foucault n’aura pas pu connaître mais qui correspond parfaitement au concept qu’il a forgé. Ajoutons que, l’individualisme et le conformisme aidant, chacun est invité à se montrer vigilant et à veiller à la normalité de son voisin. La délation a de beaux jours devant elle et l’on a vu des causes aussi légitimes que la lutte contre la pédophilie ou même le tabagisme prendre des allures de chasse aux sorcières. Le harcèlement bureaucratique imposé aux ayant droit d’aides sociales vise à transformer les services sociaux en instruments de surveillance et de contrôle des « plus démunis » (a-t-on suffisamment remarqué le répugnant paternalisme de cette expression?), déjà stigmatisés comme fainéants et profiteurs. Les méthodes de « management » à l’entreprise, surveillance, rationalisation, harcèlement, sont de nouvelles sources de stress voire de dépression. Jusqu’à la pédagogie qu’un personnage aussi médiocre que l’ancien ministre de Robien a été chargé de caporaliser
La démocratie elle-même devient gênante et superflue pour une oligarchie qui ne gouverne plus que par experts et intellectuels de cour interposés, la citoyenneté n’est plus qu’une vague
« opinion » façonnée par les sondages et les médias. Il va falloir s’intéresser, et sans prétendre être exhaustif, au surarmement pénal vertigineux: 11 000 infractions! et à la multiplication des fichiers policiers autres que le FNAEG. Ou au développement inouï de la surveillance électronique, les caméras de surveillance inondent les rues, les parkings, les magasins, les lieux de travail, les transports publics, selon le principe que tout individu est un suspect et un contrevenant potentiel. Le modèle est ici la Grande Bretagne de Blair, devenue le paradis de Big brother, avec 4 millions de caméras et 3 millions d’empreintes génétiques, soit 5% de la population. L’avenir s’annonce radieux avec les puces à fréquence (RFID) qui permettront de suivre à la trace et d’obtenir à tout moment toutes informations sur l’individu ou l’objet la portant. On connaît le projet regroupant carte d’identité, carte vitale, caractéristiques personnelles diverses et enregistrement biométrique. A quand la puce pour tous, directement implantée sous la peau, synthèse parfaite de la discipline et dubio-pouvoir?
Gérard LOUSTALET-SENS
(1) Michel Foucault, Histoire de la sexualité 1. La volonté de savoir, Gallimard, 1976, p.179.
(2) Michel Foucault, « Il faut défendre la société », Cours au Collège de France, 1976, Gallimard, 1976, pp. 222-223. (3) Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, 1975, p.251.
(4) Surveiller et punir, p.187.
(5) Surveiller et punir, p.236.
(6) Voir Alain Corbin, Le miasme et la jonquille, 3ème partie, chap. I, La puanteur du pauvre, Aubier-Montaigne, 1982. (7) La volonté de savoir, pp.185-186.
(8) « Il faut défendre la société », pp.223-224.
(9) Laurent Mucchielli, Violence et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, La Découverte, 2002, p.96. (10) La volonté de savoir, p.186.
(11) « Il faut défendre la société », pp.228-229-230.
(12) Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, Le Seuil, 2007.
(13) Loïc Wacquant, Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale, Agone, 2004.
(14) Voir Jean-Pierre Hiéret, Mots lisses des peurs (Police des mœurs), l’ORMEE, n°73, novembre-décembre 2006. 15) Marion Van Renterghem, La tentation du fichage génétique de masse, Le Monde, 26.09.2006.
(Texte paru dans l'Ormée, mai-juin 2007 et octobre-novembre 2007)