Sur les "fondamentaux". Réponse à Alain Accardo
1. Bien entendu, je ne mets nullement en cause la nécessité de « fondamentaux » en tant que principes théoriques permanents de l’action politique, ni l’exigence qu’il y a de les faire connaître et je parle d’ailleurs dans mon texte, de manière sans doute trop elliptique, de la « nécessité d’une pédagogie de l’action communiste ». Ce que je récuse, c’est le discours sur le « retour aux fondamentaux » qui n’est, dans le meilleur des cas, que la nostalgie sympathique d’un romantisme révolutionnaire fait de la prise du Palais d’Hiver, des victoires de l’Armée rouge et du drapeau de même couleur flottant au vent de l’histoire... Mais c’est le plus souvent l’expression d’un passéisme désarmé, d’une réflexion paresseuse et pauvre, politiquement conservatrice, réactionnaire au plein sens du terme et potentiellement intégriste. Dans notre contexte, on parlera de « dictature du prolétariat » (encore faudrait-il qu’il y en ait un conscient de l’être), de « lutte des classes » (comme si elle avait besoin d’un décret pour exister), de « centralisme démocratique » (dont je maintiens qu’il s’agissait du mécanisme parfaitement au point d’une domination à laquelle les dominés-militants adhéraient avec une ardeur sans pareille; nous le savons bien tous les deux pour l’avoir, en tant que cadres moyens (au moins pour moi) du Parti, autant subi que pratiqué!). Il y a là, selon moi, une homologie à méditer.
J’ajoute que ce discours rétrograde sévit aussi dans d’autres domaines tel celui de l’école où la rhétorique du « retour aux fondamentaux » est utilisée par le ministre Darcos pour faire passer sa réforme libérale du système éducatif! La démagogie de la priorité au « lire/écrire/compter » fait toujours recette alors que, après près de quarante ans passés à parcourir les écoles primaires, je peux affirmer que les enseignants n’ont jamais rien fait d’autre (et pas avec les méthodes les plus progressistes), ce qui n’a jamais empêché la reproduction de fonctionner. Le scandale, c’est que le « déchet » produit par le système apparaît aujourd’hui au grand jour. Quand nous avons passé notre examen d ‘entrée en 6ème, en 1950 ou 1951 pour ce qui me concerne, la grande cohorte des recalés s’entassaient dans des classes de fin d’études où n’étaient présentés au Certificat que ceux qui étaient à peu près sûrs de l’avoir, un sur deux en général. Ce qui faisaient un nombre de laissés pour compte bien plus important qu’aujourd’hui, avec la seule différence que ceux-ci finissaient bien par trouver un emploi. Ils passaient inaperçus, c’était normal, « ils n’étaient pas faits pour les études »! C’est la même attitude obtuse qui veut, maintenant comme autrefois, vite les « mettre en apprentissage ». C’est ce « retour aux fondamentaux » que prône un ministre (de l’Education nationale?) qui, par ailleurs, ne sait même pas qu’on n’a pas à changer les couches des petits à l’école maternelle pour la bonne raison que, s’ils en portent encore, ils n’y sont pas admis!
2. Il ne s’agit évidemment pas de débattre pour débattre. Le débat dont je parle doit être considéré comme relatif à ma proposition (très largement illusoire, sans aucun doute) d’une convergence de toutes les forces se réclamant du communisme dans une même organisation. Etant donné leur diversité, y compris à l’intérieur du Parti, une large confrontation d’idées serait bien entendu nécessaire, l’objectif avéré étant d’aboutir le plus rapidement possible à une communauté de pensée et d’action. Le fondement en serait l’idéal partagé d’un communisme renouvelé seul à même d’opérer une véritable rupture avec le système de l’économie de marché. On sait bien d’ailleurs que le triomphe du néo-libéralisme a été précédé de nombreux colloques et rencontres (Mont Pèlerin et autres) d’idéologues et experts qui ont mis au point idées et stratégies (voir Serge Halimi et François Denord). Mouvement d’humeur pour mouvement d’humeur, le débat dont aujourd’hui tu te défies, à juste titre, est bien celui d’un « mouvement antilibéral » dont l’impuissance politique et le byzantinisme rhétorique m’ont depuis longtemps rebuté. Quand on voit José Bové, l’antilibéral de foire bien connu, s’acoquiner avec Cohn-Bendit, il y a de quoi rigoler, Amèrement pour certains! Pour ce qui me concerne, je n’attend rien d’un rassemblement de petits-bourgeois ulcérés de n’être pas invités au repas des grands. Ce doit être mon « fondamentalisme » à moi!
Réponses à Alain Accardo, 23 octobre 2008