Déchiffrer n’est pas lire

Une fois de plus voilà un ministre de l’EN en mal de réformes qui nous ressort le serpent de mer de la « méthode globale ». Une méthode qui ne s’est jamais imposée en France dans les pratiques réelles. Il suffit de consulter les manuels de CP pour constater que la plupart d’entre eux, parfois après un soi-disant « départ global », fondent l’apprentissage de la lecture sur l’association systématique lettre/son. Cela n’a rien d’étonnant. Le français étant une langue phonographique (les signes écrits renvoient à des sons), une partie de l’apprentissage va bien consister pour l’enfant à constituer un stock de graphies correspondant aux sons qu’il connait déjà. Seulement, la lecture ce n’est pas qu’une technique de déchiffrage. Sans jamais avoir appris l’italien, tout le monde peut « lire » à haute voix un texte en italien. Evidemment sans rien y comprendre. Est-ce cela lire?

La lecture est aussi une pratique sociale et culturelle. Quel sens et quelle importance accorder à l’acte de lire? Quel rapport au savoir cela implique-t-il? Apprendre à lire c’est entrer dans une culture dont les pratiques ne sont pas forcément familières. Les étiquetages paresseux: méthode globale, dyslexie, atteinte neurologique, handicap familial... (au sujet desquels il n’existe à l’heure actuelle aucune certitude scientifique) ne résolvent aucun problème et, au contraire, figent les situations individuelles en les stigmatisant. Ce n’est pas avec deux décrets et trois circulaires que l’on règlera la question. Ni par l’affrontement de croyances plus ou moins fondées.

Gérard LOUSTALET-SENS

Courrier paru dans Sud-Ouest, 8 décembre 2005