Le mythe de l'école républicaine
Les débats récurrents sur l’école (problèmes des moyens, querelle des méthodes, carte scolaire...) peuvent parfois paraître un peu vains. Peut-être parce qu’ils ne semblent pas concerner l’essentiel. Ces questions ne sont certes pas insignifiantes et méritent attention. Mais ne serait-il pas enfin temps d’interroger sérieusement le mythe de l’école républicaine et d’en tirer des conséquences? Presque tout le monde semble aujourd’hui admettre, pour le déplorer bien sûr, que l’école reproduit les inégalités sociales. Il semble un peu moins acquis qu’elle soit surtout une instance de légitimation de ces inégalités par son fonctionnement méritocratique et son autonomie dans la collation des diplômes.
Interroger le mythe républicain, ce serait ne pas être dupe de la fable de l’ascenseur social. La métaphore est déjà détestable qui présuppose comme inhérente à toute société une hiérarchie dans laquelle il faudrait « s’élever ». Mais surtout, il n’y a jamais eu d’ascenseur social mais plutôt une sorte d’escalier de service emprunté plus ou moins laborieusement par quelques rescapés de l’épuration sociale qui est le but avéré du système.
Interroger le mythe républicain, ce serait ne pas être dupe du leurre de la discrimination positive remis à la mode aujourd’hui à Sciences-Po Paris et qui laisse intacts les cursus et contenus d’enseignement. Ne concernant que des individus, elle ne fait que renouveler les pratiques des instituteurs d’autrefois distinguant le petit paysan méritant digne d’aller en 6ème.
Interroger le mythe républicain, ce serait ne pas être dupe de la fiction d’une égalité des chances radicalement impraticable dans une société de classes. Mais surtout parce qu’il s’agit d’un principe compétitif fondé sur une conception anthropologique qui fait de l’affrontement interindividuel le fondement de la société. L’égalité des chances pour quoi? La compétition scolaire pour qui? L’égalité des chances n’est-ce pas rien d’autre que la « concurrence libre et non faussée » de sinistre mémoire?
Intervention pour Espaces Marx Aquitaine, 15 octobre 2006