Les amis de Darcos (suite)
Dés qu’on s’intéresse un peu à la question, en surfant sur le web, on ne peut qu’être effaré par la quantité d’associations et d’organisations plus ou moins groupusculaires dont la seule raison d’être est la haine obsessionnelle de l’enseignement public. Certains cherchent à le miner de l’intérieur comme « SOS-Education » (on y reviendra), d’autres poussent l’exécration jusqu’à le nier. Il existe ainsi une association « Créer son école » ou comment avoir son école à soi, indépendante, sans l’aide de l’Etat (quand même!). Cela coûte un peu cher, mais quels sacrifices ne ferait-on pas pour voir nos chères têtes blondes échapper à la loi commune et ne pas avoir à se mêler au vulgaire, au tout-venant et autres bronzés. Car, bien entendu, la ronflante revendication de « liberté de choix des parents » n’est qu’un prétexte misérable cachant à peine son racisme social et ethnique. On s’organise même internationalement et, à Genève, se tient justement une « Organisation internationale pour le développement de la liberté de l’enseignement » (OIDEL) qui prône inévitablement la « liberté de l’enseignement », le « droit des parents à choisir leur école », le « pluralisme de l’offre pédagogique », etc.
L’OIDEL est liée à l’Opus Dei, de même que l’association des « Catholiques pour les libertés économiques » (CLE) dont le siège est le même que celui de l’organisation papiste conservatrice. Son président, Michel de Porcins, eut l’honneur d’être un des conseillers économiques de Le Pen (voirwww.antoine.michelot.free.frwww.antoine.michelot.free.frwww.antoine.michelot.free.frwww.antoine.michelot.free.fr ). Le coauteur de Sarkozy pour son impérissable essai «Les religions, la République, l’espérance» se nomme Thibaud Colin, lequel est membre de la « Fondation Service politique », déjà nommée, intégriste, liée elle aussi à l’Opus Dei et financée par le Vatican. Les deux compères célébraient déjà l’espérance que seule la religion est censée apporter contre une République qui ignorerait le bien et le mal (idem).
Toute cette sainte agitation se fait naturellement au nom de principes d’une grande noblesse, la fameuse « liberté de choix des parents », donc, devant une « offre » scolaire mettant tous les établissements sur un pied d’égalité. Sauf que, ici comme ailleurs, il y en a qui sont plus égaux que d’autres: on en est à un point où c’est l’enseignement public qui aurait tout à gagner à être mis à égalité avec le privé. On sait néanmoins que tout propos médiatique sur l’enseignement privé ne vise qu’à répandre l’idée reçue de ce qui serait son excellence. Il serait toujours performant scolairement et efficace disciplinairement. Il faut dire, n’est-ce pas, qu’on n’y rencontre pas de voyous et autres racailles comme dans le public. D’autant plus que, même si ses responsables prétendent accueillir tout le monde, dans les faits on sait bien qu’à l’entrée s’effectue un tri qui lui laisse finalement le gros des élèves les mieux adaptés à la culture scolaire. Faut-il encore le répéter: ce qui fait la « qualité » d’un établissement scolaire, c’est moins l’enseignement qu’on y dispense que le niveau socioculturel des familles qui y envoient leurs enfants. L’enseignement privé ne fait, c’est son rôle, que radicaliser la fonction inavouée de tout le système d’enseignement et donc aussi de l’enseignement public: le tri social, la reproduction et la légitimation des inégalités sociales.
Enfin, on remarquera que, parallèlement à la célébration du privé, la mise en cause virulente de l’école publique est un véritable sport national. N’importe qui, sous prétexte qu’il est un ancien élève croit avoir son mot à dire et pouvoir proférer n’importe quelle ânerie démagogique, il est à peu près sûr d’avoir un public. Un type s’est taillé une confortable réputation sur la seule injure, répétée à satiété car elle a beaucoup plu, de « fabrique du crétin ». On ne compte plus les imprécations sur le laxisme, le « pédagogisme », la paresse et le corporatisme des enseignants, etc. (on en reparlera) dans une école qui ne préparerait, pour les libéraux, qu’au chômage, faute de s’adapter au « marché » de l’emploi, d’ignorer l’entreprise et les joies du libre-échange. Pour les catholiques conservateurs, l’école laïque reste l’école sans dieu où l’on conspire la dégénérescence des mœurs et la corruption de la jeunesse. On ne rappellera pas ici les gages que leur a donné Sarkozy. Tous se rejoignent dans une « Association pour la liberté économique et le progrès social » (ALEPS), lobby patronal de la droite dure et ultralibérale, très lié au MEDEF, qui s’en prend naturellement aux syndicats d’enseignants et à « tous ceux qui sont attachés à l’idée du service public unique et laïque de l’Education nationale ». On ne saurait mieux désigner la bête à abattre!
Reste à examiner les objectifs, encore en partie inavouables, que Darcos, en multipliant les provocations pour détourner l’attention, est chargé insidieusement de faire avancer, ce que j’ai appelé le contenu latent de ses réformes.
1er février 2009