ESCLAVAGE

Je trouve assez pitoyable de tenter de relativiser la Traite nègrière, dont Bordeaux fut un fleuron, sous prétexte que l'esclavage existait déjà en Afrique. C'est tout l'objet du livre d'Olivier Pétré-Grenouilleau cité dans un précédent Courrier des lecteurs. Ouvrage très contestable au demeurant où l'auteur, dès la première page, ose comparer la Traite transatlantique -une « migration forcée », dit-il. Bel euphémisme!- à l'exil des protestants français sous Louis XIV. Quelle commune mesure ? L'esclavage africain est en fait largement connu et nous avons tous en mémoire ces images d'Epinal où des Noirs enchaînés sont fouettés et menés pour être vendus par de cruels marchands arabes tandis que Savorgnan de Brazza libère les esclaves... Une imposture du « Roman national ». Une fois « libérés », 20 000 Africains ont laissé la vie au Congo-Brazzaville dans la construction du chemin de fer.

     Faut-il rappeler que, pour Montesquieu lui-même, il est des « pays où la chaleur énerve le corps et affaiblit si fort le courage que les hommes ne sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment : l'esclavage y choque donc moins la raison » (De l'esprit des lois, Livre XV, Chap. 7). Etrange tolérance ! Il est vrai qu'il ne faut pas « être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres » (Livre XVII, Chap. 2). Tout un programme ! Athènes et Rome, dont la civilisation occidentale se flatte d'être l'héritière, étaient des sociétés esclavagistes. Un temps, à Rome, les esclaves étaient plus nombreux que les citoyens libres... Ce n'est pas de la repentance, c'est de l'histoire ! A quoi bon tergiverser, la tradition esclavagiste en Occident remonte à loin.

 

                                                                 Gérard Loustalet-Sens, Cénac (33)

 

Texte paru sur le blog du journal Sud-Ouest, 19 mai 2014