L'histoire, la Cour et les économistes

J'ai déjà esquissé un parallèle entre le sarkozysme et la monarchie de Juillet. Celle-ci (1830- 1848) fut un grand moment de la bourgeoisie triomphante. Par le suffrage censitaire, la richesse fut instituée comme condition de la citoyenneté tandis que Casimir Périer, banquier et président du conseil de Louis-Philippe, proclamait, en 1831, « ilfaut que les ouvriers sachent bien qu'il n'y a de remèdes pour eux que la patience et la résignation », dans le même temps était inventée la formule classes laborieuses/classes dangereuses. Nous avons eu de même, avec Sarkozy, d'un côté le bouclier fiscal, de l'autre le « travailler plus pour gagner plus » et l'idéologie sécuritaire. A la suffisance boufffie du monarque orléaniste a répondu la vulgarité et l'inculture du monarque présidentiel.

Sous Sarkozy, comme sous Louis-Philippe, la grande bourgeoisie d'affaires a en main tous les leviers de l'Etat. Sous Louis-Philippe, elle sombra dans l'affairisme provoquant la chute de la monarchie. Aujourd'hui, l'affairisme est mondialisé, il est l'ordre même de la marche du monde, ce qui le rend encore plus difficile à combattre. Sarkozy l'a bien compris. Il n'a pas inventé l'oligarchie -pouvoir d'un petit nombre- mais il en a poussé, dans cette société, la logique jusqu'au bout pour en faire une authentique ploutocratie -gouvernement des riches, peu nombreux par définition-. Il copine avec les fortunés, héritiers et parvenus, et se flanque d'un appareil d'affidés, de mercenaires et de commis dont la médiocrité garantit la fidélité, au point qu'il faut les munir d'argumentaires préfabriqués sous l'appellation pudique d' « éléments de langage » !

Ce pourrait être une fable... Enfin Sarkozy vint... La finance « décomplexée » et l'enrichissement des nantis furent décrétés grandes causes nationales, la cupidité élevée au rang de vertu et, à l'image des pratiques du monarque lui-même, l'ostentation des mœurs somptuaires des grands recommandée ; il se trouva même des doctes, appelés économistes, pour apporter la caution de la science aux débordements monétaires des puissants...

Attardons-nous justement sur ces derniers. Ce n'est pas une fable. Ce sont tous ces économistes officiels, porteurs de la bonne parole libérale reprise en choeur par tous les perroquets des médias. Ils sont, disent-ils, la science économique. Ils prêchent l'économie dite de marché qui serait la nature même de la société humaine, l'exploitation capitaliste serait normale et les inégalités légitimes. Certes, aujourd'hui, leur tâche est rendue complexe par une financiarisation dont le caractère parasitaire apparaît de plus en plus scandaleux, y compris pour le capitalisme productif lui-même. Alors, ils rament, mais toujours avec autant d'arrogance même si leurs prédictions sont régulièrement démenties par les faits.

Sans doute, pour autant qu'on puisse le savoir, ils ne sont pas directement corrompus mais tous ont des intérêts personnels dans nombre de banques ou autres sociétés dont ils touchent de confortables émoluments à titres divers, membres de conseils d'administration, conseillers, etc. Certes, ils ne s'en vantent guère et sont généralement présentés par des journalistes complices ou incompétents comme experts, universitaires, chercheurs... N'empêche qu'ils ont à peu près tous un fil à la patte ! De toute façon, avec Internet, on ne peut plus rien dissimuler même si leur notice Wikipedia, par exemple, évite souvent de mentionner quelques compérages un peu trop voyants. Tout comme leur C.V. tel qu'il apparaît sur les sites internet des deux machins où se retrouvent la plupart d'entre d'eux, deux think tanks, le Conseil d'analyse économique (inventé par Jospin) et le Cercle des économistes où est censée se concerter la fine fleur de l'intelligence économique française. Ils sont ainsi une cinquantaine d'éminences chargés, comme un véritable clergé, de dispenser les oracles et les pénitences au petit peuple ignorant et soumis. Avec leurs nombreuses accointances, inutile de préciser que les intérêts des grandes sociétés capitalistes y sont bien défendus. C'est ce que nous allons voir.

16 janvier 2012