La noblesse d'Etat II
Là où Arnaud Montebourg, qui n'est pas sociologue, parle de « bourgeoisie d'Etat », le politologue Bastien François parle plus justement dans l'Humanité d'une «noblesse d'Etat, inextricablement liée au monde des affaires par le creuset endogame des grandes écoles, rassemblée par la faveur présidentielle sous les ors des palais de la République (qui) s'emploie à expliquer au peuple ce qui est bon pour lui sans jamais chercher à l'entendre » (27/28/29.03.2015).
La noblesse d'Etat s'incarne dans des personnes. Il n'est nullement malséant de les nommer. François Hollande en est un parfait exemplaire. Issu de la bonne bourgeoisie catholique provinciale, il quitte Bois-Guillaume, banlieue aisée de Rouen, pour suivre la filière incontournable qui fabrique sa caste : IEP-HEC-ENA. Il sera avocat, haut-fonctionnaire, apparatchik en chef au parti socialiste, non sans avoir été assujetti à l'ISF, jusqu'au poste suprême où il peut déployer tout ce pour quoi il a été formé : le service du capital ! Et tout cela, comme tous les politiciens professionnels, sans avoir jamais rencontré le « peuple » ailleurs que sur les « marchés » qu'ils imaginent être la quintessence du « populaire »... Quitte à serrer quelques mains avec une précautionneuse cordialité et même à affecter un tutoiement aussi factice que les bises claquées avec ostentation à quelques matrones... Que ces gens n'aient jamais pu avoir d'expérience personnelle d'un peuple authentique, cela peut se comprendre... Qu'ils fassent semblant d'en connaître est détestable et cette ignorance non assumée débouche facilement sur un mépris de classe larvé : ce sont les « sans-dents » et les « illettrées » surgis inopinément comme autant de lapsus d'un inconscient social.
C'est un itinéraire semblable que l'on retrouve chez le favori du moment, Emmanuel Macron. On résume. Fils de médecin également, il passe par le collège jésuite d'Amiens puis le lycée Henri IV et l'inévitable parcours de Sciences Po à l'ENA... Même le Monde parle à son sujet de « nomenklatura française » ! Il passe par l'Inspection des Finances, donc la haute fonction publique -ah, ces fonctionnaires!- et -solidarité de caste aidant- il se met en 2008 en disponibilité d'une fonction publique -qu'il réintègrera sans problème en 2012- pour rejoindre la banque Rotschild, « conseillé par un grand ami de Fabius », recommandé par Jacques Attali et soutenu par Jean-Pierre Jouyet. Il ne change pas vraiment de casquette et se vante d'avoir gagné 2 millions d'euros entre décembre 2010 et mai 2012. Que du beau linge, carnet d'adresses épais, réseau de relations fourni, grand défenseur des Ghosn, Richard, Proglio, très lié au trio majeur de l'économie politique hollandaise, Aghion, Cette, Cohen, toujours la même malfaisante coterie que l'on retrouve dans tous les mauvais coups portés aux classes populaires.
On ne s'étonnera pas qu'une certaine Laurence Boone, remplaçant Macron comme conseillère du président de la République pour les affaires macro-économiques, soit du même acabit. Elle a rencontré Jean-Pierre Jouyet (toujours lui) à la banque Barclays France que ledit Jouyet présidait, puis elle passe à Bank of America Merril Lynch où le même Jouyet vient d'aller la chercher pour peupler un cabinet présidentiel qui comprend déjà une quarantaine de « conseillers » avec les rémunérations et gratifications afférentes. On notera que, au moment où Mme Boone quitte Bank of America pour le cabinet présidentiel, un certain David Azéma laisse Bercy pour un poste de direction à Bank of America... Il paraît que les Anglo-Saxons appellent ce manège la « porte- tambour » ! Cette dame Boone a donc fait « ses preuves » dans le milieu de la finance internationale, c'est pour ça que « l'ennemi de la finance » vient de la recruter. « Je n'ai pas honte de ma carrière », proclame-t-elle ! Allons tant mieux... Elle a même démissionné du conseil d'administration du groupe de luxe Kerig, ex-Pinault Printemps La Redoute, qui lui assurait son argent de poche. C'est qu'on a de l'éthique chez ces gens...
C'est ainsi tout un parasitisme technocratique qui s'accroche au pouvoir tel ce Francis Bakouche dont le Monde du 30.12.2014 nous faisait le portrait complaisant : un vieux copain de Fleur Pellerin à Sciences Po, il fait l'ENA, rejoint la Cour des Comptes et Pellerin le fait venir au ministère de la
Culture, peut-être pour lui lire La Princesse de Clèves le soir à la veillée... elle qui n'ouvre jamais un livre !
6 avril 2015