Germanophobie ?
On connait cette forme de terrorisme intellectuel qui disqualifie comme antisémite toute espèce de critique de la politique conduite par l'Etat d'Israël. S'indigner de la répression permanente menée à l'encontre des Palestiniens depuis plus de 60 ans par Israël ne relèverait que d'un antisémitisme sournois et indigne ; constater la colonisation méthodique de la Palestine et la destruction progressive de la culture et de la société palestiniennes par les Israëliens ne serait que la marque d'une détestation des Juifs !
Et voilà qu'on nous refait le coup avec l'Allemagne. Toute critique des mesures qu'Angela Merkel veut imposer à l'Europe ne serait que de la germanophobie. C'est que pour les néolibéraux, l'Allemagne de Merkel est de toutes les façons l'exemple à suivre. Un « modèle » d'autant plus attrayant que les inégalités y sont massives : 10% des plus riches possèdent 45% de la richesse privée, or les néolibéraux sont en train de compléter la théorie selon laquelle des inégalités accrues seraient la condition de la « croissance ». En outre, en Allemagne, le chômage est masqué par des salaires de misère dus à l'explosion du temps partiel, ce que le MEDEF rêve d'institutionnaliser en France... A côté de ça, le nouveau leader du parti social-démocrate, Peer Steinbrück, lui , ne connait pas la crise, il est quand même empêtré dans des histoires de rémunérations annexes en plus de ses 12 000 euros de député ; Il s'en sortira, attendu que, selon le Monde, « cette forte personnalité, comme ses mentors Helmut Schmidt (1974-1982) et Gerhard Schröder (1998-2005) passe pour être le camarade préféré des patrons ». Ainsi va le modèle allemand.
L'arrogance des « élites » allemandes, conservateurs et sociaux-démocrates mêlés, paraît sans limites, particulièrement à l'égard de la Grèce. On intime l'ordre à la Grèce de régler sa dette dans les deux ans alors que, en 1951, la dette du Reich au titre des réparations de guerre a été arbitrairement diminuée de moitié et étalée sur 30 ans ! Selon M. Paul de Backer (le Monde, 04.09.2012), des multinationales allemandes ont bénéficié de la corruption de politiciens grecs, et l'ont donc entretenue, pour se faire attribuer des marchés publics, en particulier ceux de la téléphonie et des sous-marins. En outre, il est stupéfiant d'apprendre que le problème des dommages de guerre dus par l'Allemagne à la Grèce n'est toujours pas réglé : 80, 160 ou 300 milliards, peu importe, les Allemands ont une telle dette envers la Grèce que cela devrait modérer les prétentions de Merkel à donner des leçons.
Dans Sud-Ouest, M. Christophe Lucet a choisi de traiter par l'ironie la visite de Merkel en Grèce, ce qui lui fait désigner la dette allemande comme un « serpent de mer » (10.10.2012). Ainsi que toute la presse bien-pensante, M. Lucet ne cache pas son dédain pour les Grecs. Cela va jusqu'à oser réduire la Résistance grecque à l'occupant nazi à des « étripages entre soldats de la Wehrmacht et les partisans grecs ». Une pure ignominie. Et je pèse mes mots. A placer avec autant de désinvolture l'agresseur et l'agressé sur le même plan, on s'attend à voir bientôt M. Lucet se gausser de la castagne entre les « soldats de la Wehrmacht » et les FTP français ! Est-ce une lamentable maladresse ou bien -dans la lignée d'Henri Amouroux- la pensée profonde de Sud-Ouest ?
Ajoutons que, en Allemagne, où la xénophobie est une tradition, deux responsables sociaux-démocrates viennent successivement de publier deux pamphlets violemment anti-musulmans. Il y a, en Allemagne, 5% de musulmans lesquels, nous dit-on, « parlent à peine Allemand mais sont incollables sur les aides auxquelles ils ont droit ». Air connu ! On fait la chasse à 3 400 salafistes mais les néonazis, bien plus nombreux, ont pignon sur rue. Est-ce faire de la « germanophobie » que de rappeler alors ce que dit le grand historien de l'Allemagne nazie, Ian Kershaw, dans son dernier livre, selon le compte-rendu de l'Humanité (09.10.2012) : « il apparaît aujourd'hui que la grande majorité des Allemands a été longtemps en accord avec les buts expansionistes du Führer (…). Par haine de la démocratie, les élites allemandes n'ont pas remis en cause la légitimité de la dictature nazie car elles n'imaginaient pas de meilleure forme de domination que le pouvoir charismatique de Hitler »...
15 octobre 2012