La légalité capitaliste II
La manipulation sarkozyste de la légalité, dans le domaine économique et social, peut se décrire en deux moments et une constante. Le premier moment, bien sûr, c’est le « bouclier fiscal », également connu sous la dénomination amphigourique de « loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » (TEPA), dispositif emblématique de cette démarche où la légalité entend, en toute bonne conscience, soumettre la morale aux exigences de « l’efficacité économique »! Tare originelle du sarkozysme que n’effacera nul baptême, immédiatement mis en place, presque hâtivement, comme s’il y avait des gages à donner de toute urgence au clan de privilégiés dont Sarkozy n’est que le fondé de pouvoir. Il s’agissait d’abord de magnifier par une légalité de classe agressive ce que la ministre de l’Economie et des Finances désignait lourdement comme « la réussite et son corollaire, l’argent »... C’était une époque, rappelons-nous, il y a seulement 18 mois, où ce genre d’indécence et de goujaterie étaient très bien portées! Il fallait encore plus enrichir les riches et les possédants sous couvert de « production de richesses » puisque ces largesses fiscales devaient permettre, selon la vulgate libérale, d’investir et de créer des emplois pour la joie de pauvres éperdus de reconnaissance et comprenant enfin la nécessité de « travailler plus pour gagner plus » et s’acheter une Rolex au lieu de se vautrer dans l’hédonisme des 35 heures ou les délices du chômage.
Il faut encore aujourd’hui tout le culot du ministre Woerth pour oser affirmer que la loi TEPA est un instrument d’ « équité fiscale ». On sait que l’équité n’est pas l’égalité, mais même, ici, elle est particulièrement boiteuse. Les vrais bénéficiaires sont exactement au nombre de 834, disposant d’un patrimoine de plus 15,58 millions d’euros, ils se sont vu restituer 368 261 euros en moyenne, l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur impôt (701 462 euros en moyenne). Ainsi 6% des bénéficiaires se sont partagés 67% du bouclier, soit 307 millions d’euros (selon les chiffres publiés par le Monde, 15.04.2009). Où sont donc les emplois créés? Où en est le pouvoir d’achat? Puisque c’était, paraît-il, le but de la loi... L’imposture n’a pas duré longtemps, mais le dispositif est toujours en place et les mêmes vont continuer à se goberger tout en dissertant sur la moralisation du capitalisme. Mais c’est la faute à la crise font semblant de geindre les suppôt du sarkozysme... Duperie pitoyable, le « bouclier fiscal » avait été mis en place, en janvier 2007, par la loi Copé, plafonnant à 60% des revenus le montant de l’impôt sur le revenu et de l’ISF. La loi d’août 2007 ne fait que baisser le seuil à 50% et y ajoute même les prélèvements sociaux comme la CSG et la CRDS! La loi TEPA est bien un instrument légal au service des nantis. Non seulement son application n’est pas victime de la crise mais elle en est au contraire un élément puisque l’argent rendu disponible a alimenté la spéculation et la folle cupidité financière dont tout le monde aujourd’hui peut constater l’étendue!
Le cynisme de la caste a été à son comble lorsqu’on a proclamé sans vergogne et dans l’euphorie générale que le « bouclier fiscal » allait déclencher le retour des « exilés fiscaux », légitimant ainsi scandaleusement, après-coup, leur conduite indigne. Il est tout de même stupéfiant que, dans un pays dit de droit, la fuite de ces nouveaux « émigrés » dans des pays accueillants pour ne pas payer d’impôts en France ne soit pas considérée, tant du point de vue de la morale que de la citoyenneté, comme une sorte de haute trahison, une souillure morale qui devrait les frapper définitivement d’infamie! Mais pas du tout, on les plaint d’avoir « du » s’exiler, on les sollicite, on leur propose de garder l’essentiel de leur cher argent et on s’apprête à les accueillir à bras ouverts comme l’enfant prodigue! Pourtant, ces gens se posent de véritables questions de malfaiteurs, si l’on en croit le Monde du 24.04.2009: « quel risque ai-je d’être découvert? Quelles sont les sanctions pénales encourues? ». Allons, il n’y aura peut-être d’amnistie formelle, mais tellement de compréhension!
27 avril 2009