« Solidarité bien ordonnée... »
Vous avez remarqué ? On n'en parle plus... Mais si, rappelez-vous, fin août, ce geste bouleversant d'altruisme des super riches offrant leur portefeuille sur l'autel du sacrifice commun pour soulager les malheurs du monde... « Taxez-nous ! » imploraient-ils dans une mise en scène montée par l'organe officiel de la gauche caviar, Le Nouvel Observateur. Rappelez-vous l'émotion des médias dominants et bien pensants découvrant soudainement que les riches pouvaient payer puisqu'eux-mêmes le disaient et célébrant avec des sanglots dans le clavier les qualités d'âmes bien nées capables d'une telle supplique (voir Franz Peultier, Taxer les riches ? Une riche idée, www.acrimed.org).
Tout a commencé par la laborieuse dissertation, pompeusement appelée « tribune », d'un certain Maurice Lévy dans un quotidien du soir très comme il faut dont les impatiences révolutionnaires étaient jusque là passées inaperçues. Ce Maurice Lévy, multimilliardaire, comme il se doit pour être écouté dans les médias, préside une société, Publicis, spécialisée dans la « pub », la « com » et la domestication des médias. Les coups de « com », c'est son boulot. Il a réussi son bluff : on n'a retenu de son propos qu'à peu près 20%, là où il évoque, pour les benêts, une « contribution exceptionnelle des plus riches, des plus favorisés, des nantis... un effort de solidarité... une contribution des plus riches (qui) s'impose à mes yeux ». A noter que, pour lui, les super riches ce ne sont évidemment pas des profiteurs, des spéculateurs ou des exploiteurs enrichis aux dépens d'autrui, mais d'innocents citoyens « que le sort a préservés », d'honorables travailleurs méritants qui « ont eu la chance de pouvoir réussir, de gagner de l'argent ». Une question de chance, on vous dit. Sauf que les 80% de sa pesante démonstration reprennent tous les thèmes ultra-libéraux qui ont conduit à la situation qu'il feint de déplorer : les riches veulent bien payer (un peu) à condition d'augmenter encore le fardeau des plus pauvres. De vieilles rengaines que l'on nous sert depuis 40 ans, les vaches sacrées néo-libérales : « profondes réformes de nos structures administratives et de nos systèmes sociaux », « programme de privatisation », « redonner à notre économie les moyens de sa compétitivité », « réduire sensiblement le coût des charges »... Cela fait 40 ans que l'on réduit les « charges », que l'on rogne les salaires et les retraites, que l'on privatise à tour de bras : le résultat est bien celui attendu, les riches sont de plus en plus riches, M. Lévy le dit lui-même, mais il tait pudiquement la contre-partie : les pauvres sont de plus en plus pauvres... La faute à pas de chance ! Alors M. Lévy choisit, dit-il, « la vigueur, celle d'une action forte, probablement encore pénible pour beaucoup, mais enthousiaste, courageuse et responsable ». On appréciera le délicat euphémisme du « probablement encore pénible pour beaucoup », quant au courage, on sait combien les gens comme M. Lévy peuvent être « courageux » pour les autres !
Il ne faut pas gratter beaucoup pour retrouver ici le mépris de classe tel que l'exprime un certain Marc Ladreit de Lacharrière dénonçant « les charges sociales, le Code du travail, l'aversion au travail, l'aversion pour la réussite, la jalousie » (cité par Thomas Lemahieu, l'Humanité, 28.08.2011)... Les pauvres ? Des fainéants et des envieux ! Etrangement, la seule réforme dont ces gens ne parlent pas, c'est une réforme fiscale digne de ce nom où la contribution des riches ne serait plus « exceptionnelle » mais structurelle et substantielle. Vous n'y pensez pas ! Pourtant, comme on n'est jamais trahi que par les siens, l'organe patronal les Echos remarquait, le 19/20.08.2011, « la politique fiscale ces dernières années leur (aux « dirigeants ») a été accommodante... 12% des foyers les plus aisés concentrent 62% des réductions d'impôts... La taxation de ces revenus (financiers) reste compétitive par rapport aux salaires... » Qu'en termes galants...
11 septembre 2011