Les riches et l'impôt

Jusqu'où Hollande descendra-t-il ? De concession en concession, de renoncements en reniements, les masques tombent... Les oripeaux de la social-démocratie n'apparaissent plus que pour ce qu'ils ont toujours été, la vague parure d'une allégeance « de gauche » à un capitalisme que l'on croit euphémiser en « économie de marché ». Hollande multiplie sans plus s 'en cacher les signes et les actes de soumission aux injonctions du patronat afin de garantir toutes les formes d'accumulation capitaliste des richesses. On va jusqu'à renoncer à une mesure aussi anodine que la limitation des « salaires » des grands patrons. « Trop tard, le mal est fait », susurre l'insignifiante UMP Valérie Pécresse tout en approuvant la reculade. Le « mal » c'est le « manque d'attractivité », comme ils disent, de la France... Les amateurs de pognon rapide et facile ne s'y précipiteraient pas... Et il faudrait le regretter ! Mais qu'est-ce qu'un pays « attractif » selon Mme Pécresse ? Il y en a un qui est le champion de la sacro-sainte « compétitivité », c'est... le Bangladesch ! Moins de 40 dollars par mois sans la moindre garantie ni couverture sociale pour fabriquer des tee-shirts qu'Auchan, Zara ou Carrefour vendront cent fois ce qu'ils leur auront coûté... Avec à la clé des conditions de travail et de sécurité qui ont conduit à l'effondrement de l'immeuble de neuf étages dans la banlieue de Dacca où s'affairaient 3500 esclaves modernes pour confectionner les babioles et colifichets de nos vacances... 1127 en sont morts. Il faut le dire haut et fort : ces drames déshumanisants sont un aboutissement de ce que les libéraux appellent « l'esprit d'entreprise » et le « libre-échange » !

     Et c'est le moment choisi par Hollande pour un pitoyable exercice de flagornerie à destination des patrons reprenant les balivernes du catéchisme libéral sur ces héros « créateurs d'entreprises, d'emplois et de richesses » qui « prennent chaque jour des risques (surtout les Bengalis !) pour notre économie et pour l'emploi » et dont il faut « valoriser la réussite, le talent et la performance ». Des lieux communs défraîchis moqués jusqu'au Sénat américain où l'élue démocrate Elizabeth Warren se gausse, nous dit le Monde (08.11.2012), de la propension des employeurs à se présenter aux yeux de la société comme les « créateurs de richesse », ce qui est une forme d'usurpation. Elle n'en « connait aucun » qui ait créé des richesses « tout seul », sans les salariés pour travailler et sans l'Etat pour les éduquer et faire les routes et autres infrastructures qui servent si bien les entreprises.

     Il faut le réaffirmer cet « esprit d'entreprendre » qu'Hollande fait semblant de découvrir n'est, dans nos sociétés, que l'habillage idéologique d'une cupidité et d'un esprit de lucre qui font réduire l'économie au business. Le mépris des possédants pour l'intérêt général est particulièrement évident dans leur attitude devant l'impôt toujours jugé « accablant » et « confiscatoire » alors qu'en réalité il leur est léger. L'historien Nicolas Delalande le rappelle : en 1914, lorsqu'est créé l'impôt sur le revenu, le taux de prélèvement tourne autour de 10%. Ce qui n'empêche pas les possédants d'alors de fulminer contre les « menaces » sur la propriété privée ! Les premières formes d'évasion fiscale datent de l'entre-deux guerres, favorisées par le secret bancaire suisse (1934). Nicolas Delalande signale également, à l'encontre des idées reçues propagées par les idéologues médiatico-libéraux, que le système fiscal français est faiblement redistributif. La progressivité de l'impôt dont le principe est que plus on est riche et plus on gagne plus on est taxé est remise en cause. On sait que l'impôt direct (sur le revenu) rapporte beaucoup moins à l'Etat que les impôts indirects (CSG, TVA, TIPP) qui s'appliquent invariablement à tous les Fraçais quels que soient leurs revenus (www.lemonde.fr).
     Ce n'est pas tout. Les riches passent en fait leur temps à rechercher toutes les pratiques possibles, légales et illégales, permettant d'échapper à l'impôt. Et ils y arrivent avec, souvent, la bienveillance de l'administration fiscale et, toujours, un mépris de la loi et du civisme qui instaure la tricherie fiscale en principe de bonne gestion et prérogative de classe. Comme le remarque le sociologue Alexis Spire, « la particularité des classes dominantes réside précisément dans leur rapport relativiste à la règle. Elles partagent une double certitude : les règlements sont nécessaires au bon fonctionnement de la société mais elles-mêmes doivent pouvoir s'en affranchir » (www.monde-diplomatique.fr) 

 

27 mai 2013